Une nouvelle découverte scientifique annonce (peut-être) une vie sans douleur

Ouais, on est encore clairement très loin d’une commercialisation du truc. Là on est carrément encore au stade de l’expérimentation, les mecs viennent juste de piger le procédé et de réussir à le maitriser sur une souris.

Tout à fait et j’ajouterai même que je vois tellement de molécules prometteuses se casser la gueule en phase III que ces annonces me laissent finalement assez froid.
Ca serait évidemment super que ça marche, mais le chemin est encore tellement long jusqu’à une mise sur le marché…

Ce qui est surtout intéressant ici, c’est la découverte de la deuxième fonctionnalité du canal et le fait que ça a ouvert la possibilité à un contrôle de la douleur chez les sujets cobayes (soit pour rétablir la perception de la douleur, soit pour l’atténuer). Après, qu’on réussisse ou pas à le décliner en médoc, c’est une autre histoire. Mais en attendant, ça reste une découverte importante.

Ah oui tout à fait d’accord, c’est une très belle avancée scientifique.

J’ai une amie qui a fait une thèse dans le domaine, j’essaye de la motiver a venir ici en parler. Je ne promets rien, elle est probablement trop occupée a tricoter.

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Salut, (je suis la dite amie et je ne tricote pas, je crochète ;)).

Je trouve ça chouette de partager une information scientifique, mais je vais apporter des précisions car, l’étude a peut-être été mal interprétée ou au moins clairement sur-interprétée (cf : « En clair, pour que ça marche, il faut à la fois bloquer la transmission de la douleur via les cellules, mais également augmenter les doses d’opioïdes générés » -> l’étude ne dit strictement rien de tel) sans parler du titre, du « pourrait bien changer prochainement » et « remède miracle » -> honnêtement, je ne sais absolument pas d’où on peut dire ça de l’étude. Je veux bien qu’il y est un effet de sensationnalisme, mais là je ne comprends pas d’où ça sort.

Pour ce qui séchait les cours de bio (en gros, la licence de physio ;)). La douleur est la perception de stimuli nociceptifs qui sont détectés par des récepteurs spécifiques nommés nocicepteurs et qui se situe dans les terminaisons nerveuse des nerfs sensorielles primaires. Que vient faire Nav1.7 ? Comme dit dans l’article, c’est un récepteur canal au sodium et on le retrouve dans ces nerfs sensoriels. Lorsqu’on bloque ce récepteur, on bloque carrément toute l’influx nerveux. D’ailleurs, c’est comme ça que fonctionne la lidocaïne (anesthésie locale), sauf qu’elle n’est pas spécifique au Nav1.7, c’est un antagoniste non-spécifique au Nav.

Dans le cas d’insensibilité congénitale à la douleur, il y a une mutation dans le gène SCN9A, qui du coup, ne code plus les Nav1.7 et c’est valable dans les modèles animaux où le gène est muté. Sauf que chez des personnes possédant les Nav1.7, on a beau les bloquer avec des antagonistes spécifiques aux Nav 1.7, l’effet analgésique est faible alors qu’on pourrait les supposer efficaces. Du coup l’équipe a voulu savoir si en plus d’avoir un effet sur la transmission nerveuse, les Nav1.7 n’avaient pas d’autres fonctions.

D’une part il y a l’étude sur des souris Nav1.7 KO vs souris normales. Là, ils ont montrés que dans les neurones sensoriels primaires:
1- Nav1.7 KO = altération de l’expression de différents gènes dont Penk qui code pour la preproenkephaline (ce qui au final donne l’enképhaline qui active les récepteurs opioïdes).
2- Nav1.7 KO = augmentation de l’expression d’ARNm de Penk.
3- Nav1.7 KO = augmentation de la présence d’enképhaline.

Donc l’absence de Nav1.7 KO entraine une augmentation d’enképhaline dans les DRG neurones. (OSEF des détails mais pour ceux que ça intéresse et qui bitent quelque chose : Nav1.7 induit une régulation négative de l’expression d’ARNm de penk, probablement via une cascade de second messager induit par le sodium intracellulaire).
Bon, c’est bien beau, mais qu’est-ce que ça donne dans la vraie vie ? Pour ça il y a les souris Nav1.7 KO, les souris normaux et les humains aillant une insensibilité congénitale à la douleur. L’équipe a induit un stimulus thermique chaud nociceptif aux souris et aux humains avec ou sans naloxone (c’est un antagoniste des récepteurs opioides). Les humains CIP et souris Nav1.7 KO n’ont rien perçu au stimulus à 45°C (ce qui est normal, ils ne sont pas sensé le percevoir), par contre, en présence de naloxone, les deux ont perçu le stimulus de 45°C comme douloureux. D’ailleurs, un des patients a même annoncé percevoir la douleur dans sa jambe qu’il s’était fracturé à plusieurs reprises.

Super, mais ça veut dire quoi tout ça ?
Tout (et seulement) ce que l’on peut dire d’après cette étude est : Nav1.7 en plus de jouer un rôle dans la transmission nerveuse, il régule négativement l’expression et la synthèse des enképhalines. Chez les personnes ayant une insensibilité congénitale (ou souris Nav1.7 KO), bloquer les récepteurs opioïdes entrainent une perception du stimulus douloureux.
C’est tout ! On ne peut rien dire de plus. Tout le reste c’est spéculation (sortie de nulle part).

Ceci dit, chez les gens normaux, si on bloque les Nav1.7, l’effet analgésique est faible voir absent. Donc pour avoir l’effet analgésique et la régulation positive de l’expression/synthèse de l’enképhaline, il faut une complète inactivation du gène Nav1.7., pas juste le blocage du récepteur.

A cela, il faut prendre en considération que l’on parle de patient ou souris ayant une mutation génétique dès le stade embryonnaire. Ils sont nés ainsi et ils ont grandi ainsi. Il y a donc génétiquement une différence (dans ce cas : Nav1.7 KO/muté vs. Nav1.7 normal) et cela peut avoir plus ou moins de conséquences et de différences entre les patients ayant la mutation et ceux qui ne l’on pas (dans ce cas : mutation = analgésie/régulation positive vs. non mutation = utilisation d’antagoniste qui n’arrive pas à avoir le même effet que la mutation). Ceci dit, l’information apportée par l’étude est importante sur la compréhension de l’interaction Nav1.7 – synthèse d’enképhaline dans le cas du fonctionnement normal comme chez les patients/souris atteints de la mutation (groupe contrôle = souris naïves vs. groupe avec mutation).

A la fin, les auteurs disent que (je traduis) : « l’étude permet d’apporter une justification rationnelle à l’utilisation d’antagoniste aux récepteurs Nav1.7 qui sont susceptibles d’avoir peu d’effets secondaires, en combinaison avec des antidouleurs opioïdes disponibles actuellement pour le traitement d’un grand nombre de douleurs chroniques. »
Donc ils ne disent pas que ça va marcher, ni ne parle de dosage, juste qu’il y a moyen d’étudier cette possibilité en associant les deux. A titre informatif, actuellement les antidouleurs opiacés sont généralement combinés avec un anti-inflammatoire non-stéroïdien. Bon, je trouve la deuxième partie de leur phrase assez pompeuse. Encore une fois, ils ne disent pas que cela va être efficace et ni si cela va marcher comme traitement contre les douleurs chroniques. Mais je précise que dans certains cas de douleurs chroniques, notamment certaines neuropathiques, les opiacés sont inefficaces, sans parler de certains cas où le système opioïdergique n’est plus performant. Du coup, l’idée de combiner un antagoniste de Nav1.7 + opioïdes est intéressante et à tester.

Sinon, le vrai problème des opiacés (dans le cas d’antidouleur) n’est pas l’addiction mais le phénomène de tolérance. La tolérance = au fil du temps pour avoir le même effet, il faut augmenter la dose. Sauf que si on augmente la dose, on augmente aussi le risque d’apparition des effets secondaires ou leur aggravation. C’est la raison pour laquelle, les opiacés sont prescrites sur du court terme (et c’est OK) ou comme palliatif (douleur chronique cancéreuse en phrase terminal), mais ce n’est pas censé être utilisé de manière chronique. D’ailleurs comme dit juste au-dessus, ça peut même ne pas marcher, sans oublier qu’il y a différents types de douleurs. Par exemple, pour les douleurs neuropathiques, il y a d’autres types d’antidouleurs de prescrit comme traitement sur du long terme. Quoi qu’il en soit, les douleurs chroniques, c’est la merde, on ne sait pas les guérir et les traitements ne sont pas tous ni toujours efficaces et pas chez tout le monde. D’où le besoin de faire de la recherche dans ce domaine pour en comprendre les mécanismes et trouver des bons antidouleurs sans trop d’effets secondaires.

Désolé pour ce pavé, mais je ne pouvais pas laisser passer l’erreur d’interprétation, du coup, je vous ai tout détaillé ;). Aussi, le titre est faux et l’article possède des exagérations sorties de nulle part (mais ça je l’ai déjà dit au début). Ce n’est pas le fait de vouloir faire du sensationnalisme qui me dérange tant, c’est le fait que c’est du n’imp’ et du coup, soit les gens pensent que ça y est, on a enfin trouvé un remède (et du coup, ils vont vite être déçus), soit les gens sont désabusés par les (annonces) études scientifiques car justement les médias (j’inclus tout) poussent le sensationnalisme tellement loin que c’est faux (je me demande réellement d’où ils ont pu dire une telle chose ?) et donc ça déçoit les gens. Bref, ça dessert le lecteur, l’étude scientifique en elle-même (pourtant cette étude est vraiment intéressante et importante) et donc (en poussant) la recherche scientifique, mais aussi l’auteur de l’article, ce qui est dommage.

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Je prends bonne note des commentaires, merci d’avoir pris le temps de venir apporter ces précisions. :wink:

Pour info, ma source sur ce papier était le très sérieux ArsTechnica.

Cela dit, je réfute le procès d’intention « sensationnaliste », ce n’était absolument pas l’intention (le ton du chapô de l’article laissait d’ailleurs clairement transparaitre une dose de sarcasme), tout au plus une volonté de comprendre et vulgariser. J’éditerai le billet demain dès que j’ai un peu de temps pour rajouter quelques précisions dans le texte après avoir digéré ton pavé.

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Ah désolé pour le côté “sensationnalisme”, je ne connais pas Geekzone, donc je ne connais pas le ton ou côté sarcastique du site.

Je viens de voir ta source et en fait, je comprends d’où tu sors ta phrase en gras. C’est dans ta source, sauf que je ne trouve rien de tel dans la publication originale (où alors je n’ai vraiment pas les yeux en face des trous Oo). Je parle de ça “Now that Wood and his team could conjure pain in the painless, they aimed to do the reverse. They gave normal mice a combination of a Nav1.7-blocker and a very low dose of an opioid drug. Individually, the drugs did little to nothing to eliminate pain. But, together, they seemed to mimic what was going on in Nav1.7-lacking mice and people, producing a blocked ion channel and boosted levels of opioid molecules. With the drug combo, the mice felt no pain.”

Du coup, je me demande si ta source n’aurait pas oublié de préciser une deuxième étude ?
Car je serais intéressée d’aller la décortiquer pour expliquer le pourquoi du comment. Est ce qu’ils ont fait ça sur des souris naïves ou atteintes de douleur chroniques ? Stimulus uniques ou répétés, etc. C’est important, car il y a beaucoup de différence dans le fonctionnement du système nociceptif entre une personne normale et une personne souffrante de douleur chronique (et il y a même des différences entre les différents types de douleurs).

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A priori, ArsTechnica a pu interviewer le responsable de l’étude, il y a peut-être eu une incompréhension à ce niveau-là. Je vais me rencarder, et j’éditerai demain matin le billet original pour rajouter tes précisions et gommer tout soupçon de sensationnalisme. :wink:

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J’ai regardé une énième fois et je ne trouve pas l’expérience dans la publication originale. Donc oui, soit ta source s’est trompée, soit il y a une seconde publication qui n’a pas été citée (si elle existe, demain, j’essaie de la trouver pour vous en parler/compléter mon commentaire).

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Marrant, en lisant l’article et le commentaire de malade, je me suis dit que j’étais sur ars :slight_smile:

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Dans le même genre, il y avait un roman (je connais plus le nom, désolé) de science fiction ou des soldats étaient notamment truffés de médocs qui coupaient la douleur et autres cocktails désihinibants pour en faire des machines à tuer.

edit: HEYYYY @Mortuum \o/

C’est un classique, du reste on retrouve même ça dans le MCU et Jessica Jones. Et IRL soon ? :x

J’en profite pour remercier @Mortuum d’avoir pris le temps de faire un post de cette qualité. <3 <3

Mais @Mortuum triche, elle bosse dans le domaine :smiley: .

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C’est même un cas de Truth In Television, quand on y pense. CF les poilus avec la bibine, les pilotes de la WWII avec les amphet’ et plus proche de nous, Isis avec le captagon… Si ce traitement se trouve viable et permet d’éliminer la douleur sans effet secondaire notable, je prendrais bien les paris qu’il trouvera une application militaire plus vite que la lumière, mais je trouverais personne pour parier avec moi :X

Et mervi a @Mortuum aussi :slight_smile:

Hors sujet /on
L’émission du 25 octobre de La Fabrique de l’Histoire sur France Culture portait sur l’usage des drogues pendant les guerres. Ca se podcast…
Hors sujet /off

@Mortuum merciiiiiii, super papier!

Arstechnica ça se dégrade beaucoup depuis le rachat par Condé Nast je trouve quand même. Le site a dérivé dans les publi reportages et autre contenu sponsorisé ainsi que dans les news qui tapent pour attirer le client. Y a toujours une bonne équipe qui fait un peu ca malgré eux mais c’est plus ce que c’était je trouve.

Ouais, je viens de l’apprendre à mes dépens. :smile:

Je serai désormais plus méfiant la prochaine fois que je relaie du stuff de chez eux.

Je bosse avec Conde Nast au boulot et a chaque fois je dois un peu me forcer pour pas dire au pauvre gars qui fait leur techno “MAIS VOUS ETES LE DIABLE!”