[CINE]Tournage dans un jardin anglais

C’est l’histoire de Tristram Shandy. En réalité c’est pas vraiment l’histoire de Tristram Shandy, héros d’un roman écrit par Laurence Sterne au cours du XVIIIe siècle. Tristram est un gentleman, il entreprend d’écrire sur lui mais pour écrire sur soi il faut écrire sur ses parents puisqu’il faut raconter sa naissance. Dur dur, finalement il n’a pas assez d’un roman pour raconter sa vie car un roman ne saurait raconter une vie. Enfin bon, osef comme dirait l’autre puisque c’est pas l’histoire de Tristram. C’est plutôt l’histoire de Steve Coogan. Steve Coogan est un acteur, anglais, plutôt connu outre-manche. C’est donc l’histoire de Coogan qui joue Coogan qui joue Tristram qui raconte Tristram. Compris?

Bon, on reprend. C’est le dernier film de Michael Winterbottom (à qui l’on doit plein de films super bien selon diverses sources, ultra nazes selon d’autres mais que perso j’ai pas vu, le dernier très controversés fut 9 Songs, mélange de baise et de rock’n’roll), c’est un récit enchassé, une mise en abîme pour faire pompeux. Ca raconte l’histoire d’un tournage, ce tournage c’est celui d’un film que réalise Mark (un miroir de Winterbottom en réalité) et qui s’appelle Tristram Shandy, d’après le roman dont j’ai parlé. Dans ce film il y a deux acteurs principaux, Steve Coogan et Rob Brydon, interprété par Steve Coogan et Rob Brydon… respectivement bien sur. Pour adapter le livre, Mark dispose d’un petit budget, on découvre alors le doux fonctionnement du tournage d’un film qui n’est pas produit par Jerry Bruckheimer. Scène de bataille cheap sans aucune rigueur historique (non pas que Pirates des Caraïbes et rigueur historique fassent bon ménage B)), coupes franches dans le bouquin pour pas que le film soit trop long et économiser de la bobine… Steve, le personnage principal se retrouve coincé entre ce joyeux bazar, un “co-lead” qui risque de lui faire de l’ombre, une assistante de tournage qui lui fait office de maîtresse, une sale affaire qui risque d’être divulguer par un tabloid comme seul les anglais en ont le secret et pour courroner le tout sa petite-copine affublé de leur fils.


Steve Coogan et Rob Brydon dans le rôle de “S.Coogan et R.Brydon dans le rôle de Walter Shandy et Toby Shandy”

C’est tout? Oui. C’est bon? Oui. Très même.
J’étais plutôt méfiant à la base. C’est de ces séances où l’on va on cinéma sans avoir regardé le programme et où l’on doit se fier à l’affiche des films qui passent à l’heure où l’on arrive dans le multiplex pour choisir un truc. Et bien après une fête du cinéma en demi-teinte, ce fut une très bonne surprise. En sortant je suis tombé sur une critique qui parlait d’un “humour à la Monty Pythons”. Il faut avouer que… ça n’a rien à voir et que le critique n’avait surement pas vu le film. Oh, il y a bien une scène où Steve se retrouve la tête en bas dans un utérus géant mais le caractère “pythoniesque” de la chose s’arrête là. L’humour anglais est là d’une certaine façon et moi qui ne suit pas un grand “rieur” au cinéma je me suis marré à plusieurs reprises. Mais au-delà de ça le personnage de Steve est très intéressant. Espèce d’individu absolument obsédé par sa personne il va jusqu’à vouloir faire faire réhuasser ses chaussures par la costumière pour paraître plus grand que son co-lead, Rob Brydon. L’histoire ne dit pas si Steve Coogan joue sa propre personnalité mais il ne doit pas manquer d’humour pour interpréter son propre rôle de cette manière.


Rob Brydon et Gilliane Anderson

Dur dur de parler de ce film qui, pour une fois, brille par son originalité. Le premier quart d’heure est déroutant, la fin innatendu, le tout est frais, bien joué, drôle et parfois un peu moins drôle et a le mérite de ne pas durer trois plombes. Bref, je ne vous demande pas de me faire confiance mais si vous cherchez un film qui sort des carcans “comédie française/américaine de l’été”, “thriller de l’été” ou “film de super-héro de l’été” je ne peux que vous recommander ce film, seul ou entre amis (en famille laissez-tomber, certaines subtilités vont échapper aux bambins) et en V.O, pour l’accent british comme pour les jeux de mots (dans le titre original “A Cock and Bull Story” il faut entendre le mot “cock” comme quand on l’associe à “big” ou “huge” par exemple ^^).

Edit> En sus, voilà l’oeuvre originale The Life and Opinions of Tristram Shandy, Gentleman en full HTML!

Michael Winterbottom est un réalisateur pour le moins ecclectique, et son dernier film ne changera pas la donne.

Mélange de films d’époque et de tournage, lorsque le film débute, on est un peu perdu. L’humour, pince-sans-rire, typiquement british et rappelant celui des Monty Pythons (oui Garuffo, moi j’ai trouvé que ça s’en approchait pas mal), démarre dès le début, et à froid, c’est un peu destabilisant.

Interviennent ensuite un enchaînement de scènes où on prend autant de plaisir à regarder le film (la vie et les opinions de Tristram Shandy) que le tournage de ce film (où on suit Steve Coogan), et que le mix entre les deux (le montage est à ce niveau très réussi).

Mais pour apprécier pleinement ce film, il faut à mon avis être intéressé un minimum par le cinéma en tant que pratique. Au même titre qu’à travers le documentaire Lost In La Mancha, on découvre le quotidien d’une équipe de tournage, à travers le parcours de Steve Coogan. La manière dont l’égo d’un acteur (Steve Coogan est une véritable star en angleterre et ici… un inconnu) peut intervenir sur un film, la manière dont la costumière, l’assistante, le réalisateur, le scénariste sont amenés à faire évoluer leur travail. Les relations entre producteur et réalisateur, la manière dont la venue d’une actrice bankable peut tout changer ( pour finalement être coupée au montage ! B) )… Ces coulisses sont un véritable délice à découvrir… Sauf si on est hermétique à ce genre de voyage à travers le miroir.

Au niveau des autre bons points, l’interprétation de Steve Coogan (qui doit être vraiment maso pour paraître si odieux durant une bonne partie du film) et Rob Brydon (et ses dents), l’humour (qui, une fois que le spectateur est habitué, est un délice), une réalisateur intelligente qui mêle hommage caustique (Barry Lyndon ?) et happening décalé (Michel Gondry ?)…

Oui, c’est un bon film. Mais qui ne plaira clairement pas à tout public.

A noter que le film vient de sortir en DVD outre-atlantique.

Uhuh, je suis bien d’accord, on lui foutrait des baffes à Steve, je me demande si il joue d’une réputation qu’il a sur les tournages ou si ça n’a rien à voir avec sa vrai personnalité…
Tu m’as donné envie de voir Lost in La Mancha, ça doit être bien sympa mais aussi bien amer pour le réal qui a la poisse de sa vie apparemment.

T’as pas d’autres noms de films qui traiteraient des tournages(il me semble que La Nuit Américaine de Truffaut c’est un bon point de départ mais j’ai juste une vague idée de ce qu’est ce film)?

La Nuit Américaine, bien sûr, c’est un must (mais je ne suis pas objectif, j’adore Truffaut). “Splendeurs et misères d’une équipe de tournage aux studios de la Victorine à Nice le temps de la conception d’un film.”

Et si tu ne l’as pas déjà vu, essaie de trouver ça tourne à manhattan, un film franchement délirant avec l’excellent Steve Buscemi. “Une version branchée, infernale et destroy de La Nuit Américaine”.

Pour Lost In La Mancha, c’est vrai qu’il y a de quoi être dégouté pour Gilliam, qui est malgré tout un habitué des grosses galères de production. N’empêche, à la fin du docu, j’aurais été prêt à lui donner de l’argent pour qu’il essaye de remonter son Don Quichotte.

EDIT tardif : je rajoute Laissez-passer (ou comment faire du cinéma à Paris sous l’Occupation) et Singin’ in the rain (pour l’arrivée du parlant à Hollywood). Le second est un classique, mais s’il est prit en exemple par les profs de cinéma pour montrer la révolution de l’époque, c’est pour une bonne raison.