J’avais adoré Le Sixième Sens et beaucoup aimé Le Village.
Tous deux m’avaient happé dans l’ambiance malsaine qu’ils arrivaient parfaitement à créer.
Pas forcément terrifiant, mais vraiment gênant.
Quelle erreur de croire que Phénomènes serait de la même veine!
L’histoire est simple: un phénomène étrange qui part de Central Park s’étend sur la mégalopole du nord-est des USA. Il se traduit par le suicide de la totalité des personnes présentes dans la zone. Brusquement, elles deviennent incohérentes, reculent (quelle drôle d’idée) puis se tuent à l’aide du premier moyen à leur disposition: défenestration, balle dans la tête, pic à cheveux dans la carotide… Ca sanguinole un peu, mais en définitive les Américains semblent savoir mourir très proprement malgré la gravité des blessures. C’est bien urbain.
Bien sûr il y a des survivants, bien sûr ils fuient. Mais ils sont tenus au courant, grâce aux vidéos envoyées par leurs amis avant de mourir vers un bel Iphone 3G que tout le monde regarde de concert (véridique, et on le regarde aussi, de devant, de derrière, avec sa jolie pomme, “venez voir la vidéo que m’a envoyée ma sœur!”).
Spoilons un peu, mais tellement peu, car comme l’a dit Shyamalan lui-même, “je ne voulais pas être systématiquement le gars qui tient le suspense jusqu’à la fin et résout l’intrigue par un retournement de situation” (quel dommage).
On a donc un horticulteur deus ex machina qui embauche dès le début du film, et nous dévoile tout: ce sont les plantes! Les plantes? Oui, les plantes, elles en ont marre de nous, alors elles sécrètent une toxine pour nous buter.
Diantre, voilà du film écolo qui ne serait pas pour déplaire aux extrémistes du Royaume-Uni? Que nenni, comme on le verra plus tard.
Mark Whalberg, professeur de science qui arrive à faire apprendre par cœur à ses élèves des axiomes qui dépassent 3 mots pour leur inculquer la méthode expérimentale, va faire partie des fuyards. Il sera aussi celui qui comprendra tout grâce à la révélation de notre ami des plantes, et qui le vérifiera au cours d’une splendide démonstration scientifique à base d’un argument unique, le “taisez-vous je réfléchis”, qui tire sa force du fait qu’il est répété 10 fois sur le même ton, alors que la mort se précipite vers lui vent arrière. Ce n’est donc pas un film qui promeut les vertus de la science face à la nature déchainée.
Au contraire, on nous explique par deux fois, Markounet en tête et devant sa classe, que les scientifiques ne comprennent absolument rien aux phénomènes qu’ils observent, mais qu’ils publient la première explication plausible parce que, et bien, il faut bien remplir les manuels scolaires. Un peu de nuance n’aurait pas été superflue.
C’est donc un film écolo? Pas plus. On se fait exterminer par les plantes, la raison étant que nous sommes trop nombreux et envahissants. Comment s’en tire-t-on? En labourant les parterres d’herbe à coups de gros dérapages de nos belles voitures, en portant de bêtes masques à gaz, en se réfugiant dans des maisons où les plantes sont en plastique… Merci la technologie. Vive la pétrochimie. Et à la fin, on va changer son mode de vie, on va supprimer les voitures, les survivants vont être adeptes du retour à la nature? Du tout, retournons à New-York, reprenons nos voitures, nos immeubles, et tant qu’à faire, reproduisons-nous, puisque nous sommes déjà trop sur cette terre. La morale de cette histoire m’échappe…
Et le jeu des acteurs alors? Je pense qu’ils s’entrainent tous à reprendre le rôle de Némo. Pardon, pas Némo, il est expressif lui. Je pensais à Neo bien sûr.
Ici, on meurt dans l’indifférence, y compris la sienne propre, et même si on n’est pas victime de la toxine. On reste stoïque, comme ces agents SNCF (enfin, l’équivalent), qui arrêtent le train de l’exode dans un bled perdu et vide, se rassemblent à distance des voyageurs qui ne demandent aucune explication. Seul Mark enquête (déformation professionnelle?) et demande ce qu’on fait là. Monsieur visage de cire en uniforme explique qu’on s’est arrétés, car il n’y a nulle part où aller,car on a perdu le contact avec tout le monde. En arrière plan, tous les passagers sont en train de téléphoner… Puis Monsieur SNCF se retourne et reprend sa conversation avec ses copains Messieurs SNCF, comme si de rien n’était.
Puisque tout est plat, on a essayé de relever tout ça en adjoignant à Mark une compagne. Puisqu’elle est plate aussi, on l’a dotée de névroses et d’un amant. C’est tout. Elle en est dotée, on le sait, ça n’apporte rien, ça n’est pas développé, et puis de toutes façons ça sera spontanément résolutif.
On leur a collé une gamine trouvée sur la route, elle aussi sera à peu près aussi utile à l’histoire qu’une émission de Jean-Luc Delarue à l’augmentation du QI des téléspectateurs.
On ne s’endort pas ceci dit, en partie grace à ce micro qui apparait dans le champ de la caméra. Ca fait rire et anime un peu. So série B.
Car en définitive, c’est tout à fait ce qu’est ce film. En sortant, la comparaison avec le téléfilm Les Langoliers de Stephen King nous est venue spontanément: ni queue ni tête, la solution sort de nulle part, les personnages sont lisses comme le miroir du VLT. A la différence près que le bruit strident des langoliers crée une atmosphère à côté de laquelle le vent de Phénomènes est ridicule.
Bref, qu’en garder? L’idée de base, la nature qui se débarrasse de son hôte envahissant. Et encore, car je vois mal les plantes se plaindre de l’augmentation de la température et des émissions de CO2. Mais soit, disons que c’est Gaia qui ordonne tout ça.
Quoiqu’en fait, Le Jour d’Après raconte à peu près la même chose, en bien mieux. Donc n’en gardons rien.
Y a-t-il vraiment besoin d’une conclusion? N’y allez pas. Pas même entre potes avec un mix. Et pourtant je suis bon public, ma copine aussi.
Mais là, non.