“Un couteau dans la poche” de Philippe Delerm. Dans “la première gorgée de bière, et autres plaisirs minuscules”
J’ai grandi à la campagne, un couteau dans la poche pour moi c’est
naturel. C’est un cadeau d’un père à son fils. J’ai toujours le swiss
champ (avec la pochette contenant un tas de trucs qui servent à rien
sauf quand on en a besoin (ficelle, tiens) et une maglite) que mon père
m’a offert. Je lui ai offert un leatherman qu’il porte en permanence.
C’est con, mais c’est un truc qui nous rapproche, et comme y’en a pas beaucoup, c’est un truc auquel je tiens.
Il en est dingue des couteaux, et moi aussi. Sauf, comme j’ai pas de
sous, j’ai acheté un faux leatherman chez MUJI (trucs japonnais sans
marque mais de qualité, un endroit que je recommande à tous les
parisiens, 3 magasins dont un au forum des halles) à 12 euros.
C’est con, mais je me sens mieux avec. Pourquoi ?
Parce que le “leatherman” m’a permis d’ouvrir ce con d’ordi au taf,
quand personne n’avait de cruciforme et qu’il fallait flasher le bios
pour virer le password. Parce que le victorinox et la ficelle ça m’a
permis de rentrer chez moi quand le câble d’accélérateur de feu ma
supercinq a pété. Ca m’a sorti de la merde une ou deux fois quand je
faisait du snowboard… Parce que la maglite elle m’a servi une ou
deux fois, parce que la petite pince du swiss champ m’a permis de
resserrer le sélecteur de vitesses de la moto il y a des années, perdu
en pleine suisse sauvage (plan scoubidoo, pas un panneau ni un véhicule
en 30 minutes…).
Beaucoup des hommes que j’apprécie ont des couteaux dans leur poche, je
crois que c’est important pour certains d’entre nous, sans que ça ait
réellement une utilité… C’est un concept idiot, peut être, mais
auquel je suis attaché. Sans vouloir verser dans le plan ‘les
randonneurs’, quand tu te ballades en montagne, il y a les gens qui
couinent qu’ils ont mal aux pieds, et les gens qui sortent un vieux
couteau de poche poli par les années d’usage pour couper un bout de
pain et un morceau de fromage…
(Insérer vaste digression sur la place de l’homme dans la société,
les chemises de timberjack en laine et le bruit du bois qu’on coupe)
Donc voilà, Il y a des gens qui sourient quand je sors mes bidules,
mais ce sont les mêmes qui emmènent leurs lunettes à resserer chez
l’opticien. J’aime la rusticité.
Ah, en passant, mon victorinox a dix ans, et n’est pas trop usé. C’est vrai que les ressorts pètent de temps en temps aux ciseaux quand on les ferme de travers. Mais c’est le victorinox que j’ai le plus vu sur les tables des chalets - refuges.
Ce message a été édité par good_boy le 12/03/2004