Trop souvent, on essaye d’opposer les méchants internautes pirates aux méchants éditeurs/distributeurs qui font tout pour préserver leur sacro-saint contenu, parfois un peu maladroitement. Le fait est que les “ayants droits” n’ont pas forcément vu venir les révolutions de l’informatique multimédia et de cette chose bizarre que l’on appelle Internet.
Au mauvais endroit au mauvais moment ? C’est donc une vraie femme.
Avec les avancées dans le domaine de la compression audio et vidéo et l’explosion des bandes passantes, les geeks se sont habitués à faire des choses qui leur semblaient naturelles comme enregistrer des shows télévisés pour les stocker et les regarder sur leurs disques durs ou transcoder un DVD dans un format plus “léger” pour le lire sur un périphérique portable. Ils se sont même lancés dans cette idée bien communiste du partage, s’inventant pour l’occasion des lectures très personnelles du “cercle familial”. A croire que l’explosion de l’aviation a éparpillé vos soeurs et cousines dans les tous les recoins du globe. Une autre vision de la mondialisation…
Toujours est-il que ces partages (maintenant clairement illégaux) apportaient un certain confort aux (méchants) piratins. Des formats ouverts que l’on pouvait transcoder à foison et déplacer d’un endroit à l’autre. Sans contraintes aucune. Alors forcément, quand le gros de ce que l’on appelle “l’offre légale” apporte son lot de restrictions, il devient difficile d’attirer les foules habitués à ce trop plein de bien-être. Pour ce qui est de la musique, première touchée, deux modèles de “vente” ont vu le jour. D’un côté l’achat de fichiers dont on restreint l’utilisation à certains périphériques. C’est le cas de l’iTunes Music Store, le plus célèbre du genre qui permet d’acheter des chansons que l’on peut lire uniquement sur la machine sur laquelle on l’a acheté. On peut certes transférer ce contenu sur d’autres dispositifs comme des baladeurs MP3 (pour peu qu’ils soient de la bonne marque) ou même sur d’autres ordinateurs personnels, à condition de se lancer dans le pénible jeu du retrait d’autorisation. L’autre format, pas vraiment présent sur le marché français consiste à “louer” le droit d’écouter autant de titres que l’on souhaite pour un abonnement fixe par mois (comptez dans les 10 dollars). C’est le cas du (nouveau) Napster ou du très populaire outre-atlantique service de Yahoo!. Seule contrainte, dès que l’on arrête de payer la dîme numérique, on perd toute sa “collection”. Frustrant.
Le développement de l’offre légale de téléchargement de films est peut-être encore plus éloignée des habitudes des “consommateurs”. Au lieu de leur proposer l’achat de copies digitales, c’est le modèle du vidéo club numérique qui ressort : on télécharge un film que l’on peut selon les cas regarder une fois, ou, pour les plus généreux, à foison sur une durée de 24 heures. Une fois la date limite de consommation passée, on se retrouve avec un yaourt dont on ne peut même plus retirer l’opercule. Alors que l’on sait très bien qu’il est encore tout à fait mangeable, les bits ne se périment tout de même pas si vite (même stockés sur un disque dur de la “grande” époque d’IBM). Jusque-là le modèle était unique et indiscutable, aucune marge de manœuvre pour les sociétés qui souhaitaient « vendre » le catalogue des studios. La location sinon rien, même pour des films dont les DVD sont en ventes depuis des années.
Si ces modèles sont décriés par les geeks, que dire de la ménagère de moins de cinquante ans totalement dépassée par les raisons qui poussent à ces restrictions. Comment expliquer au petit Kevin qu’il ne peut pas regarder à nouveau ce dessin animé qu’il a déjà regardé la veille. Et qu’il voudra regarder à nouveau demain. Et après-demain. Et après-après-demain. Les petits Kevin sont encore pires que des poissons rouges (un mimétisme avec Némo ?). Que toutes les ménagères du monde se rassurent, leur cause n’est pas perdue. Universal va tenter une expérience pour le moins originale chez nos voisins grands bretons : ce qui serait la première offre de téléchargements non limités dans le temps. Un partenariat avec Lovefilm, société de location « postale » de DVD qui s’adonne déjà aux prêts de fichiers en utilisant les DRM de Microsoft pour limiter votre capacité de vision dans le temps. La nouvelle offre qui se limitera dans un premier temps exclusivement au catalogue d’Universal permettra de télécharger deux fichiers, un dédié à la lecture sur son PC et l’autre sur un périphérique portable. On suppose que c’est une fois de plus les méthodes de protection du grand Bill qui seront mises en œuvre. Particularité, on reçoit en prime par la poste un DVD.
De quoi se poser une question : qu’entendent-ils réellement par « appartenance » ? en lisant les communiqués, on pense forcément que les fichiers seraient protégés contre la copie par une clef générée pour votre machine, ou par un système d’autorisation par Internet à chaque demande de lecture. Mêmes maux, mêmes conséquences qu’avec les solutions de vente de musique. Apple à bien vendu 1 milliard de titres me direz-vous. Mais n’est-ce pas tout simplement une pirouette ? Après tout on « possèdera » le DVD ! Allez, j’abandonne donc ma paranoïa habituelle (déformation professionnelle, que voulez-vous) et je vais croire en leur bonne foi. En attendant une clarification sur ce point précis, il faut tout de même saluer l’initiative, une véritable première. Reste que si elle semble originale, les tarifs pratiqués risquent de faire tiquer. Il faudra compter 29 euros pour les nouveautés (disponibles dès minuit le jour de la sortie du DVD dans le commerce) et la moitié pour le catalogue plus ancien. On paye donc relativement cher ce que certains prendront comme un droit à l’interopérabilité (et les plus critiques se plaindront de devoir payer plusieurs fois pour un même contenu). Attendons donc que Lovefilm mette à jour son site pour juger : il est largement temps qu’une véritable offre légale et non limitée à la location prenne place.
Source : http://edition.cnn.com/2006/TECH/03/23/mov…load/index.html
La société en question : http://www.lovefilm.com/