Au fil des années, les conférences développeurs sont devenues petit à petit des événements quasi incontournables pour ceux qui s’intéressent à l’informatique. Autrefois réservées aux élites pointues du code source, elles se sont petit à petit démocratisées et suivent désormais un schéma bien connu : des keynotes “grand public” ou l’on présente les grandes orientations de sa société, et des sessions haut de gamme où l’on va discuter entre spécialistes de sujets particulièrement pointus. Assister à un débat entre les chefs de projets des compilateurs C++ de Microsoft et d’Intel est un très bon moyen d’apprendre l’humilité, par exemple.
Chaque grand nom de l’informatique utilise ces conférences pour annoncer les grandes orientations de sa société, présenter des changements de cap ou de nouveaux produits. Chez Apple on parle de la WWDC (WorldWide Developer Conference, ça fait bien pompeux), le rendez-vous par excellence ou Steve Jobs nous révèle les betas de ses nouveaux OS (de X à 10.4) jusqu’à ses dernières lubies (l’annonce du switch chez Intel en juin dernier). Intel de son côté dispose de l’IDF, une arme marketing extrêmement puissante (dont certains puristes regretteront que la densité de contenu diminue d’année en année) qui aura servi cette année à annoncer la fin de vie de Netburst (l’architecture du Pentium 4) et l’arrivée d’une nouvelle archi dont on a pas encore le droit de révéler les petits secrets. Non, n’essayez même pas (ou achetez le numéro 174 de Joystick…). Microsoft dispose aussi de son lot de conférences avec en point d’orgue la PDC (Professional Developer Conference). A quelques mois de l’arrivée de Vista, cette PDC était très attendue non seulement par les communautés de développeurs, très soucieux de comprendre et d’appréhender toutes les finesses des nouvelles technologies qui en découlent, mais également par les “power users” soucieux de voir à quelle sauce le prochain Windows les mangera.
Pas de doute d’ailleurs en voyant la première Keynote, ouverte comme il se doit par Bill Gates : l’événement dépasse largement le cercle très fermé des développeurs, broadcasté en live (et on demand par ici pour ceux qui voudraient « revivre » la chose), il est taillé pour les analystes et on ne doute pas que les développeurs présents dans la salle se soient tournés les pouces durant certaines des présentations, un peu déçus de voir leur événement utilisé comme un outil marketing. Mais le monde est ainsi fait, que voulez vous.
Notre grand ami Bill s’est fendu de quelques bonnes blagues, que ce soit en parlant de sécurité (l’audience était très réceptive), ou, et c’est plus surprenant, d’interopérabilité (un domaine sur lequel il ne vaut mieux pas trop se pencher, d’ailleurs personne n’a ri). L’omniprésence de XML dans le discours n’aura échappé à personne.
Bill insiste également sur WinFX, le mix d’Avalon (désormais Windows Presentation Foundation, la nouvelle couche graphique) et d’Indigo (Windows Communication Foundation), la volonté de le porter sur Windows XP pour en faire profiter le plus grand nombre (et convaincre les développeurs d’y passer, surtout). Il annonce enfin que Windows Vista sera accompagné à sa sortie d’une version 12 d’Office afin de créer une synergie dans les mises à jour. On sait à quel point les entreprises ont souvent du mal à mettre à jour ce type d’outils.
Quelques mots sur Vista, l’expérience utilisateur est de mise, on parle du fait que les utilisateurs ne seront plus par défaut des administrateurs et d’autres broutilles comme “l’expérience”, le mot d’ordre du XP actuel. Rien par contre sur la déferlante de versions, les sept Vista dont personne n’a réellement compris le positionnement. Au point même que certains de mes petits confrères demandent à Microsoft d’aller plus loin dans leur démarche bien trop étriquée. Pourquoi pas un Vista Porn Edition pour ces messieurs et un Vista Desperate Housewives pour ces dames désoeuvrées. Au moins, on saurait à quoi s’en tenir…
Bill quitte enfin la scène et cède la place à l’un de ses employés pour les démonstrations, peut-être avait-il peur de voir surgir un écran bleu à côté de lui comme lors de ce mémorable branchement de scanner USB sous Windows 98. Il paraît qu’il n’en dort toujours pas. Et nous, on en rigole toujours.
Pour la démonstration, on a droit à une build intermédiaire entre la beta 1 et la beta 2 (celle qui aura la vraie interface utilisateur). Les “nouveautés” sont donc à prendre avec des pincettes, plutôt des démonstrations technologiques qu’autre chose même si le speaker les présente comme des “features”. Ca commence par une démonstration de miniatures des fenêtres au dessus de la barre des tâches lorsque l’on y déplace sa souris, se poursuit par un alt-tab lui aussi à base de miniatures de fenêtres, pour finir sur une démonstration de fenêtres dans un contexte 3D (touche Windows + barre d’espace…). On nous montre aussi l’omniprésence d’un champ de recherche, quasiment dans toutes les fenêtres, mais aussi des fonctionnalités que l’on avait déjà entrevues dans la beta 1 avec des répertoires virtuels par exemple. Le temps d’un instant, l’on croit revivre une certaine WWDC où l’on nous présentait les nouvelles fonctionnalités de Tiger (MacOS X 10.4). A l’identique et en moins bien.
Microsoft présente également une innovation incroyable : une nouvelle version de sa “sidebar”. Les fans se souviendront de ces screenshots leakés il y’a quelques temps qui laissaient apparaître une barre d’outils sur la droite de l’écran, des images qui ont donné naissance à une foultitude d’utilitaires tels Desktop Sidebar. La nouvelle version s’en écarte prodigieusement puisqu’on y place désormais des “gadgets”, de petites applications bien utiles pour égayer son écran. C’est tellement frais que Microsoft propose même un site dédié à ce concept totalement novateur (http://microsoftgadgets.com/default.aspx) que certains diront fortement inspiré de ceci (qui est, ironiquement, inspiré de ce produit récemment racheté par Yahoo!).
Arrive enfin le moment que l’on attendait tous : la présentation de l’interface d’Office 12. Historiquement, Office à toujours été l’un des produits les plus avant-gardistes en termes d’interface (avec Visual Studio) puisque Microsoft y propose très souvent des innovations que l’on retrouvera par la suite reprises dans nombres de programmes. Autant dire qu’ici, on ne sait pas trop si les développeurs sauteront à pied joint sur ce s “nouveautés”. La barre de menu disparaît quasi totalement, on ne distingue que le menu Fichier, les toolbars traditionnelles se résument aux icônes de sauvegarde et aux traditionnels “Undo” et “Redo”, et le reste de l’interface est occupé par d’imposantes palettes “contextuelles” qui, magie, évoluent en fonction de l’objet sélectionné. Microsoft nous parle d’ergonomie, d’amélioration de l’expérience de l’utilisateur final, de bien grands mots tout droits sortis d’un groupe d’étude probablement composé de quinquagénaires. Quand aux couleurs choisies, on se retrouve encore une fois dans des teintes qui sont très à la mode de l’autre côté . Vous pourrez juger sur pièce en cliquant ici. Cela préfigure-t-il des grandes orientations de design de Vista ? Ou des “best practices” conseillées aux développeurs ? J’en connais qui ont du se tordre de rire en voyant tout cela…
En attendant, revenons sur la feature la plus innovante présentée lors de cette keynote totalement décalée : la possibilité d’utiliser une clef USB comme de la mémoire swap. Non, finalement je pense qu’il n’est pas nécessaire d’en dire plus. La gestation de Longhorn a été, on le sait, difficile au point que Bill Gates à du taper du poing sur la table pour finaliser la liste des fonctionnalités qui en feraient partie (ou non). Cette PDC que l’on attendait comme salvatrice laisse un petit goût amer dans la bouche : là où des OS comme Windows 2000 et même Windows XP réussissaient à séduire dès leurs premières betas par leurs fonctionnalités, Vista laisse une impression pour le moins mitigée. Est-ce vraiment cela le futur de l’informatique ?