L’homme est un loup pour l’homme. C’est finalement ça la morale de l’histoire. Plus que l’apocalypse zombifiée, plus que la survie désespérée, plus que la protection d’une fillette pour laquelle on ne peut que se prendre d’affection. Le jeu de Telltale Games est profondément pessimiste, dans la droite lignée du comic book dont il s’inspire. Difficile de ressortir indemne de ce voyage, qui tout au long des cinq épisodes de la saison nous a montré sans concession ce que l’humain peut faire de pire.
The Walking Dead, la série (ou ce qu’elle aurait dû être)
The Walking Dead saison 1 est de la lignée des jeux qui nous happent, nous mâchent et nous recrachent broyés douze heures plus tard. Le gameplay approximatif, les graphismes en cell-shading parfois grossiers? Pas très important. Car ici le génie est tout autre. Mais retournons 7 mois en arrière.
Avril 2012 : Telltale lance le premier jeu basé sur la license éponyme : The Walking Dead. Reprenant le principe cher au studio d’épisodes courts en téléchargement à bas prix, il se base sur l’univers de Robert Kirkman pour créer une aventure inédite avec des personnages qui le sont tout autant.
On y suit Lee Everett, héros bien mal embarqué quand l’apocalypse lui tombe sur le coin du nez. Après quelques minutes de jeux, il rencontre celle que l’on peut sans doute définir comme un des meilleurs personnages introduits dans un jeu depuis longtemps : Clémentine. Une petite fille de huit ans à laquelle vous vous lierez immédiatement. Apport anodin au départ, c’est finalement la grande idée de gameplay du jeu.
L’enfer c’est les autres
Car le jeu demande de faire des choix (en temps limité) aux conséquences souvent profondes. Aucune innovation là-dedans, après tout la trilogie Mass Effect est connue pour la même chose. Ici, consciemment ou pas, des questions se posent : « Que peut voir un enfant ? » « Que peut-il supporter ? » « Doit-il savoir la vérité ou dois-je le protéger ? ». TellTale réussit parfaitement tout au long des épisodes à créer des dilemmes aux choix plus terribles les uns que les autres, comme si au fur et à mesure du jeu, on ne pouvait que remporter des victoires à la Pyrrhus.
Les conflits se font permanents, les protagonistes tout aussi désespérés craquent les uns après les autres et l’on se surprend même à ressentir de l’agacement ou de la pitié devant certains. Les relations se nouent difficilement et peuvent voler en éclat à tout moment, sur un mensonge ou une phrase mal choisie. D’ailleurs les développeurs chamboulent régulièrement notre univers, profitant de l’attachement qu’ils ont réussi à créer envers un personnage pour mieux nous le renvoyer à la figure. Soyez prévenus.
Ah l’épisode 2…
Mais ce n’est pas tout. Car TWD ose traiter de thèmes très dérangeants, où finalement le zombie ne devient qu’un élément secondaire par rapport à la force destructrice de l’homme. Chaque épisode de la série regorge de moments difficiles à supporter, d’autant plus qu’ils sont le plus souvent superbement mis en scènes, avec des QTE (ou des mécanismes approchant) qui sont (oui oui) réussies. Car les créateurs du jeu ont réussi à imposer un rythme savamment dosé, tout en variations entre calme, action (sommaire il faut le reconnaitre, mais efficace), tension extrême et tristesse omniprésente. A vrai dire il n’y a guère que l’espoir qui ne soit pas représenté dans le panel des émotions.
Même l’enrobage réussit à être à la hauteur. Malgré des graphismes parfois datés, la direction artistique est telle que le côté gore du comic est parfaitement rendu sans modélisation à coup de tesselation des intestins. Chapeau. La bande son est pour sa part dépressive à souhait et colle donc tout à fait au thème. Point très agréable également, énigmes dialogues et actions possibles sont crédibles et logiques. Pas de combinaisons entre une brosse à dent un canard en plastique et un tuyau d’arrosage pour faire une radio. Ça fait un bien fou !
Malgré tout on sent bien qu’il en faut peu pour que la magie s’estompe, que les ficelles apparaissent au grand jour. Car il semble en réalité difficile d’infléchir réellement l’histoire et on se suprend à sentir parfois quelques embranchements. Qu’on se le dise, le jeu doit se faire une fois et sans aucun rechargement suite à une mauvaise décision pour pouvoir en profiter. C’est dans ces conditions que vous pourrez profiter d’un des meilleurs jeux de cette année.
A la frontière entre l’aventure interactive et le jeu, The Walking Dead saison 1 réussit à accrocher le joueur pour ne plus le lâcher. Entre une histoire parfaitement maitrisée et des relations humaines qui sont finalement le cœur de l’expérience, ainsi qu’une parfaite maitrise du rythme et de l’univers du comic, on ne peut que saluer le travail exceptionnel réalisé par TellTale Games. A vrai dire rien que le travail réalisé sur le personnage de Clémentine, véritable clé de voute de toute la saison vaut l’achat. Au prix où le jeu est, ça serait vraiment dommage de se priver.