La musique en ligne payante surclassera les MP 3 gratuits. Avec l’apport de valeur ajoutée
ENTRETIEN
Comment le secteur de la musique va-t-il s’y prendre pour convertir les inconditionnels des réseaux d’échange gratuit à la distribution payante. La question était au centre de toutes les conversations cannoises lors de l’annuel Midem (Marché international du disque et de l’édition musicale). Stanislas Hintzy y était. Le directeur général de la filiale française d’OD 2 (On Demand Distribution), la société britannique de distribution en ligne de contenus musicaux co-fondée par Peter Gabriel, assure que le payant triomphera inéluctablement du gratuit.
La distribution payante est-elle en mesure de disqualifier l’échange gratuitet à quelle échéance?
Hormis quelques exceptions, le concept de musique en ligne payante est relativement neuf: Pressplay et MusicNet ont à peine un an, OD 2 fonctionne depuis un an et demi. On ne peut pas raisonnablement demander qu’il s’impose en deux temps trois mouvements. Mais les débuts sont prometteurs. Aux Etats-Unis, des études citent le chiffre de 500.000 personnes payant pour de la musique en ligne. Et puis la croissance est enfin là. Chaque semaine, nous enregistrons davantage d’abonnements que la précédente. Et puis, n’oublions pas que le CD a mis sept ou huit ans pour vraiment décoller.
Quelle ligne de conduite l’industrie musicale a-t-elle choisi d’adopter pour imposer son modèle payant?
La première chose à faire est de se différencier des sites pirates. L’erreur serait de copier les réseaux d’échange gratuit. Il faut offrir autre chose, ou plutôt la même expérience mais avec plus de qualité et de valeur ajoutée.
Comment cela se traduit-il concrètement?
Au niveau de la qualité, nous proposons des fichiers compressés qui sont complètement différents des MP 3 artisanaux. La taille de nos fichiers est de dix à vingt fois plus petite que celle d’un morceau sur un CD, alors que les MP 3 classiques sont compressés de six à sept fois. Mais malgré cette compression, la qualité de nos fichiers est bien meilleure. Cela tient au fait que nous utilisons le codec (logiciel de codage/décodage) de Microsoft qui intègre sans cesse les dernières évolutions technologiques. La petite taille des fichiers permet aussi de gagner beaucoup de temps lors du téléchargement par rapport aux MP 3 pirates.
Où cette valeur ajoutée peut-elle encore se marquer?
Nous offrons toute une série de services périphériques comme le téléchargement des pochettes, le classement des fichiers, ou encore des informations comme les biographies, les sites pour en savoir plus, les recommandations d’artistes du même genre… Nous permettons aussi aux internautes d’écouter les morceaux avant de les télécharger. La rapidité et la facilité d’emploi sont aussi très importantes. Il est par exemple possible de télécharger tout un album en un seul clic, ce qui est impossible via les systèmes gratuits où il faut préalablement rechercher la liste des morceaux avant de les télécharger un par un.
Et surtout, notre système exploite pleinement la connexion de nos membres, alors que ceux qui utilisent les réseaux d’échange sont tributaires de la bande passante de l’ordinateur où est localisé le fichier à télécharger. Tout ceci, seul un service payant qui réinvestit les sommes dans l’amélioration constante de la qualité de son service peut le permettre.
Cet attirail suffira-t-il à balayer les réseaux d’échange?
Le peer-to-peer est condamné à terme, notamment parce que de plus en plus de solutions techniques sont mises en oeuvre pour empêcher la copie et la diffusion d’oeuvres protégées sur Internet et que la différence de qualité sera bientôt telle que les gens préféreront payer. Ce n’est pas parce que l’on trouve de l’eau sous forme de flaque que l’on ne s’abonne pas au réseau public de distribution. À défaut de disparaître, ils deviendront marginaux.
Un axe de réflexion pour l’avenir?
Il faut offrir de la flexibilité à nos clients. On ne gagnera pas la bataille de la musique en ligne en accumulant les contraintes auprès des utilisateurs. Nous développons des partenariats avec des acteurs locaux pour que chaque fois que nos clients passent les fontières, ils continuent à pouvoir accéder à leur discothèque virtuelle.
© La Libre Belgique 2003