[Trouvé]Recherche traditionnelle d'un morceau perdu, pas traditionnel

Comme souvent la zone a beaucoup de ressources dans ce domaine, je viens demander de l’aide.
Mais là, c’est pas facile, soit on connaît soit on connaît pas, parce que le morceau est vide. Blanc. Rien.
J’ai entendu parler d’un compositeur contemporain (ou peut être du XXe siècle, je sais pas, mais ça reste “contemporain”), qui avait “composé” un morceau conceptuel qui était en fait un vide, sans musique, sans son.
L’effet recherché était de laisser le public s’agiter, se questionner, se demander ce qu’il se passe, faire des bruits, des mouvements… et ce murmure qui s’élève inévitablement quand rien ne se passe alors qu’on attend quelque chose formait en réalité le morceau.
Voilà, j’ai besoin de références précises si vous avez ce non morceau dans votre mémoire…

Merci d’avance !

Edit : de lien en lien sur wikipédia, j’ai enfin trouvé alors que je désespérais, google n’est pas notre ami quand les requêtes sont aussi chelou que “musique silence” “morceau vide” “musique blanche” “musique vide”… etc.
Pour ceux que ça intéresse, c’est le “4 minutes 33” de John Cage.

J’allais le dire. Justement, c’est ce morceau là que je voulais aller interpréter à la Nouvelle Star, mais j’ai abandonné quand j’ai vu les kilomètres de file. Mais je crois toujours fermement que c’eût été la blague du siècle.

PS : n’oublie pas d’éditer ton titre.

L’article Wikipédia est fort intéressant.

Superlegume > ça aurait été culte en effet, surtout de voir leur gueule. Après t’aurais même pu les avoir en leur disant que s’ils t’avaient refusé, c’était de leur faute, vu que le concept du morceau est de laisser l’audience faire le morceau…

Bon après John Cage, c’est un concept hein !

C’est quand même le mec qui faisait scier des pianos sur scène, qu’on classe ça comme une “performance”, un “spectacle”… ok, chacun est libre par la suite de porter son propre jugement de valeur sur la chose. Mais autant il à composer certaines �?uvres très modernes certes, mais qui s’apparentent à de la musique, autant il a une grosse période de sa carrière où c’est juste du foutage de gueule (et c’est voulu comme ça hein :D) et il faudrait classer ça ailleurs.

Yep, je suis absolument d’accord, mais je pense qu’il fait partie d’un courant qui se moque de l’art en exploitant ses possibilités. C’est pour ça que c’est très conceptuel et la “non musique” je trouve que ça reste le sommet. Y’a qu’à voir les vidéos youtube des représentations (notamment le 4’33 par un orchestre), on voit bien l’humour provocateur derrière tout ça.
Cela dit, je le cherchais pas du tout pour une étude de l’art, mais j’ai un sujet à traiter intitulé “Se taire”, et je trouve que ça colle parfaitement.
Dans le même genre il y a les “Carrés blancs sur fond blanc” de Malevitch, je crois que wikipédia les cite quelque part comme une recherche analogue.

Ah mais clairement.

Bon et puis ça répond à une certaine conception élitiste de l’art contemporain qui sait être insupportable. Carrés blanc sur fond blanc, j’en ai rendu un (en vert) à ma prof d’arts plastiques quand j’étais encore collégien. Elle m’a répondu, “j’accepte de noter, si tu m’écris en deux pages pourquoi et ce que raconte ton œuvre”, et j’en ai ch… j’ai fini par lui rendre un pseudo dossier sur Matisse et ses “m² de vert” .

Edit ortho

Tout est une question d’éducation. On ne va pas recommencer l’éternelle masturbation sur “c’est quoi l’art”, mais faudrait arrêter avec le principe de base selon tout ce qu’on ne comprend pas est élitiste et “foutage de gueule”.

EDIT : Pour étayer un brin, dire “conception élitiste insupportable” de Malevitch et qualifier de “foutage de gueule” les avancées et les expérimentations ultracouillues et révolutionnaires de Cage, c’est comme si je disais “conception populaire sans intérêt, non-art pour veaux sans cervelle” pour tout ce qui est un peu plus mainstream et “grand public”, c’est tout aussi généralisant, injuste, insultant et faux.

Et aussi admettre que l’art ne nécessite pas toujours d’être compris, il peut aussi être simplement beau, créer une émotion simplement visuelle (ou auditive).
C’est à mon sens tout l’effet pervers des cours d’arts plastiques (au moins français) : on n’enseigne et ne gratifie l’art que par son sens*, d’une certaine façon son utilité, ce qui me semble être un travers dangereux.

*cf l’anecdote de Frenchouille, mais c’est vrai partout, dans mon collège on était notés sur la justification de notre création (oui parce qu’apprendre des vraies bases d’esthétique et de construction d’une œuvre à une classe de 30 chiards en une heure par semaine me semble effectivement improbable).

Superlégume : je crois que t’as pas bien lu.
On dit justement que Cage et Malevitch utilisent l’art conceptuel pour montrer toute l’ironie de la réflexion artistique :D. Loin de moi (de nous?) de telles idées sur ces grands provocateurs !

[quote=“LordK, post:10, topic: 50438”]Superlégume : je crois que t’as pas bien lu.
On dit justement que Cage et Malevitch utilisent l’art conceptuel pour montrer toute l’ironie de la réflexion artistique :D. Loin de moi (de nous?) de telles idées sur ces grands provocateurs ![/quote]

J’ai bien lu, parce que, justement, ce que tu dis là est faux :D. Quand Malevitch fait ses carrés blancs, c’est une véritable révolution, pas une provocation ricanante. Aujourd’hui, on ne comprend plus vraiment la portée d’un tel acte artistique, parce qu’on nous a rebattu les oreilles sur l’art conceptuel, et des gens comme Yasmina Reza avec “Art” ont contribué à rendre le phénomène presque risible, or c’est une bombe artistique, pas une pseudo ironie sur les “gens qui réflechissent trop sur l’art”.

0 agressivité, simplement, c’est toujours frustrant de lire ce genre de commentaires globalisant et méprisant sur l’art contemporain, qui participe à le reléguer, à se refermer dans cette bulle qui est justement critiquée.

nbertrand > et ne pas oublier que l’incompréhension est une émotion en soi.

Par contre, je trouve que la prof de French a eu bien raison, parce que prendre le parti de créer une oeuvre à but non-esthétique mais conceptuel, cela doit être accompagné d’une réflexion. Bon, là, c’était probablement une semi vanne et la prof l’a juste bien eu, mais c’est évocateur de l’incompréhension envers l’art non figuratif en général. Mais je suis d’accord qu’une oeuvre ne doit évidemment pas toujours être comprise mais vécue, ressentie. Mais souvent c’est la recherche d’un sens et la réflexion pré création qui peut amener le spectateur a ces émotions, à vivre l’oeuvre. Il ne faut pas confondre le créateur et le spectateur, en fait.

Mais bref, c’est pas que je veux pas en discuter (au contraire), le débat est intéressant mais pourrait facilement déraper et surtout s’éterniser dans des positions campées et verrouillées, donc faisons attention et on verra bien.

Si mon prof de philo savait qu’il avait déclenché un sujet polémique avec son pauvre sujet de khôlle :D…
Je comprends tout à fait ce que tu dis, et je l’admets aussi pour l’art moderne en général, mais je vois pas pourquoi tu peux pas concevoir que certains artistes soient dans l’ironie ?
Je vais aller sur des sujets similaires que je maîtrise un peu mieux, mais si tu prends la psychanalyse par exemple, et Jacques Lacan, il est à la fois un grand théoricien, peut être le plus profond de tous, mais aussi un très grand ironiste, tout ses textes peuvent être interprétés comme un “jeu” sur l’inconscient. Il est dans la recherche psychanalytique et y contribue, mais en homme éclairé, il en montre les limites. Il n’y a qu’à voir les constants jeux de mots dans ses traités “sérieux” (“les noms du père, les non-dupes errent”…)
De même Kierkegaard en philosophie : très grand penseur, il est reste très critique vis-à-vis du “Système”, du dogmatisme…

Bref, j’admets le pavé, le bloc de marbre même, dans la mare que représente l’art contemporain, et je suis on ne peut plus d’accord avec ce que tu dis, mais je trouve que si ça vaut pour Matisse, Picasso, Kandinsky pour les premiers, et bien d’autres par la suite, je trouve qu’un Cage, un Malevitch et peut être un Perec en littérature épuisent les possibles de l’art par jeu, à la fois pour faire parti du pavé, mais aussi par conscience de ce qu’ils sont et de fait auto-critique qui tourne vers l’autodérision, artistique, cela va de soi.

Ah si si bien sûr j’admets l’ironie. La seule chose, c’est que je trouve assez dangereux et réducteur de systématiser comme ironique les trucs avant gardistes. Evidemment y’a une dose d’humour, mais ce n’est pas non plus du “second degré”. Ils ne font pas ce qu’ils font comme moquerie en soi. C’est surtout à ça que je répondais - ce que j’avais un peu compris de vos messages, mais vu la manière dont tu me réponds, je pense que ce n’est pas non plus ce que tu voulais dire, puisque la manière de “jouer” de Kierkegaard est effectivement comparable, à Cage en tout cas, parce que pour Malevitch, j’ai quand même des doutes.

Pour moi ce sont plus des gens comme les DADA, les surréalistes, etc., un certain type d’art novateur, des mecs comme Picabia et Duchamp, qui jouent sur cette ironie, ce côté grinçant de leur art. Des artistes comme Malevitch ne rentrent pas dans la même catégorie, selon moi.

Bon, on est d’accord alors. Histoire de clarifier ma position, je considère souvent qu’un artiste ou penseur qui sait être drôle et en particulier sur lui-même, même si c’est par pointes bien acérées au milieu d’un gros bloc très grave, atteint les sommets de son art. Quand je dis que dès fois je rigole vraiment quand je lis Kant on me prend pour un fou, mais il suffit de le voir parler du “ton grand seigneur” de la philosophie pour voir avec quelle sévérité ironique il juge ses pairs et quelque part, des morceaux de sa propre oeuvre.
Et je trouve également que l’art contemporain est pleinement dans la continuité de l’art figuratif, dans le sens où il répond exactement à la définition qu’on cherchait à lui donner aux XVIIIe et XIXe siècle : un sentiment qu’on veut partager, rendre universel et qu’il est nécessaire si ce n’est fondamental d’en discuter. Rien qu’avec notre petite conversation, on voit comme cet art fait débat, autant chez les amateurs que les chez les érudits ou les néophytes, et de fait, il est art indéniablement.

Sympa le débat. Ca partait un peu mal. Faire de John Cage un petit provocateur, c’était un peu nier la musicalité des oeuvres concrètes de Luigi Russolo à Pierre-Yves Macé. S’il y a des gens que çà intéresse, la compil’ OHM+ refait l’historique de la musique électronique (comprendre expérimentale) qui permet de mieux comprendre (et aide à mieux ressentir) tout ce courant musical. Il y a aussi les Anthology of Sound mais sans les booklets.
Et franchement, pour m’être un peu intéressé au personnage, je doute que John Cage ait été un petit rigolo :smiley:

Et pour ceux qui seraient intéressés par le concept de l’esthétique musicale, je conseille:
The Recording Angel: Music, Records and Culture from Aristotle to Zappa (Evan Eisenberg)

Hop, bouquin acheté :D.
Si y’a des passionnés sur la zone, une de mes références dans le rapport entre Artiste => Oeuvre => Spectateur, et particulièrement dans l’art contemporain, c’est Ehrenzweig dans son livre L’Ordre Caché de l’Art.
C’est assez pointu mais il a une écriture plaisante donc même si ça se lit pas vite c’est pas rébarbatif. Comme son nom ne l’indique pas, c’est aussi un anglais, à croire que le thème intéresse les penseurs et artistes Grand Breton.

Bonjour tout le monde,

loin de moi la volonté de stigmatiser l’art moderne sous quelque forme que ce soit. Je garde juste un souvenir particulier sur John Cage ayant quand même passé 6 mois de musico sur le sujet, et je crois même avoir précisé qu’une part non négligeable de sa production musicale était une production artistique à part entière, autant il ne se cachait pas lui même de rechercher la provocation. Je n’ai rien contre l’avant gardisme au contraire, et je suis totalement contre toute volonté de classification élitiste de quelque forme artistique que ce soit.

Je pense qu’il convient tout de même de préciser qu’au delà des inspirations des auteurs/peintre/… le caractère élitiste attribué à de nombreuses formes artistiques vient trop souvent d’un public pédant au possible pour qui écouter de la musique électroacoustique avec un air pénétré c’est avant tout « in », alors que soyons franc, même pour un amateur averti, la première écoute est souvent déroutante. Je ne sais pas si j’exprime mon point de vue de façon claire, mais l’étiquette élitiste accolée à l’art moderne vient plus souvent d’un public adepte de l’esbroufe que d’une discussion sérieuse sur les œuvres concernées.

Pour avoir été à quelques vernissages d’une amie qui réalise des œuvres abstraites, il est toujours drôle de voir la « faune » présente. Il y a de vrais amateurs d’art, de « simples » curieux (la distinction n’a rien de péjoratif dans ma bouche), mais aussi des gros cons (Souvent malheureusement ceux qui en parlent le plus. Et là c’est péjoratif) qui en règle générale ne cherchent pas à comprendre quoi que ce soit ou même à expliquer leur ressenti face à une œuvre, ce qui en soit serait intéressant, mais plutôt à parler de tout et de n’importe quoi en ayant l’air le plus savant possible (ce qui en règle générale fait bien marré l’artiste concerné).

Et cela n’est pas spécifique à l’art moderne. Nombreux sont ceux qui ne comprennent pas pourquoi la musique dite classique, a une étiquette élitiste, et à côté on en est encore à débattre de savoir s’il est plus savant de prononcer Bach BAK ou BAR (véridique : débat d’une demi heure en master classe il y a 6 ans, insupportable quand on est venu parler musique et écriture musicale).

Bon et puis pour la prof de collège : c’est une des enseignantes avec laquelle j’ai gardé de très bon contacts même plus de 10 ans après. C’était un jeu entre nous, elle avait remarqué que je dessinais comme un pied, et m’a incité à faire d’autres choses : elle me laissait rendre des photographies par exemple… Et je crois qu’au final je devais être un des élèves les plus appliqués bien que peu doué pour le dessin en tant que tel.

Bref : de toute façon, je ne suis pas objectif, et je le reconnais bien volontiers, je pense cependant être relativement ouvert même à tout ce que je ne comprend pas. Et j’admets sans soucis la possibilité de me tromper ou d’avoir tort.

Par contre je n’ai jamais dis « conception élitiste insupportable » de Malevitch, mais que selon moi (et cela n’engage que moi) cette œuvre comme certaines autres portaient de façon intrinsèque un coup (j’ai du employé le terme réponse) à une conception élitiste insupportable de l’art moderne. Insupportable parce qu’infondée, c’était le sens de ma phrase.

Edit : j’ai été long à poster. Je n’ai pas non plus dit que Cage était un petit rigolo hein! :smiley: où alors je suis vraiment peu doué pour m’exprimer.