Connaissez-vous Éric Emmanuel Shmitt

Boarf… Cela ne fait pas de mal à une mouche, quelques mots sur un forum, surtout isolés. Je ne me réclame pas d’un niveau culturel supérieur, je déplore (avec aigreur, certes, mais au moins j’en profite et je l’assume) la culture d’aujourd’hui (et depuis 40 ans) qui est le centre de signification vide d’une civilisation vide. Mais bon, promis, je reste « démocrate », tout le monde peut bien sûr lire ce qu’il veut.

Après, je serais content d’engager des débats sur l’intérêt de certains auteurs et leur portée sur nos contemporains, et surtout sur le problème de la notion de classique, du « il-faut-lire » qui effectivement retire aux oeuvres leurs substances potentiellement transformatrices.

Enfin, quoi qu’il en soit, désolé si je vous ai énervé, je ne le ferai plus, mais c’est tellement rageant de voir qu’un mec qui lit à 13 ans, ce qui est une belle nouvelle, donne son temps et son cerveau à un mec comme Schmitt, que j’ai pas pu m’empêcher.

Je veux que ma poésie puisse être lue par une jeune fille de quatorze ans.

Isidore Ducasse, dit Comte de Lautréamont

 

 

 

  EDIT : J'ajoute juste que justement j'ai essayé de donner beaucoup d'auteurs autre, et dans un spectre relativement large. Si certains restent inaccessibles peut-être (Proust ou Céline par exemple ça implique effectivement une attitude particulière de lecteur), d'autres ouvriront sûrement des portes. Je suis convaincu que Breton, Artaud, Debord, Lautréamont et peut-être même Nietzsche sont des auteurs (parmi d'autres, d'Apollinaire à Hemingway) qui parlent magnifiquement aux jeunes avides, bien plus qu'aux universitaires jaunis. Et je serais ravi d'encore bombarder Azeet d'éléments de ma rage, qui veut en être une de partage d'incidences et non de coercition d'enthousiasmes...

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Et puis bon, pour une fois qu’on a un nouveau membre de 13 ans (si son profil est correct) qui est poli, écrit sans fautes, et en plus lit des livres, autant essayer de le garder :slight_smile:

Azeet (et les autres qui ont aimé) peut lire Éric Emmanuel Shmitt et d’autres auteurs, hein. Cela a toujours tendance à m’étonner ce réflexe (cette volonté ?) de ficher les gens en partant d’un goût affiché, pourquoi ne pourrait-on pas aimer EES et Vian ? (ou The Avengers et Télé Gaucho dans un autre domaine).

Dire à quelqu’un que ce qu’il lit c’est de la merde pour lui conseiller d’autres auteurs ce n’est pas la méthode la plus civilisée et certainement pas la plus efficace mais bon si tu es content de toi après ce genre de post…

Que le premier qui n’a jamais lu un truc « mauvais » lève le doigt :stuck_out_tongue:

(je n’ai jamais lu Schmitt, donc je ne peux pas juger)

La manière était à désirer la première fois, mais j’adhère pleinement à la matière. Pas au nom d’un élitisme intellectuel littéraire, mais au nom d’une lutte contre la vacuité, oui. On bouffe de la mauvaise littérature comme des pizzas réchauffées, et des auteurs à l’égo souvent démesuré n’hésitent pas à se lancer dans le commerce de mal-mot, eux qui ont raté probablement leur entrée en école de finance et leur carrière dans la mal-bouffe. Les auteurs qui restent ne sont quasiment jamais des auteurs populaires, d’ailleurs, exception faites d’un Hugo, par exemple. Mais ce sont ceux-là que la littérature retient, parce que ce sont eux qui ont su saisir une image littéraire de l’humanité à l’instant de leur écriture tout en faisant progresser leur art.

C’est toute la différence, dans un musée, entre les copies, les apprentis, et les maîtres : la belle expérience se fait dans n’importe quelle collection où le conservateur a choisi de mettre un tableau de maître entouré par ses disciples. Essayez, vous n’aurez même pas besoin d’avoir suivi un seul cours d’histoire de l’art pour reconnaître qu’un des tableaux ridiculise tous les autres. 

On apprend assez vite, si on a étudié les arts, que ce n’est pas le côté choquant d’une oeuvre qui nous repousse et que l’on finit par reconnaître, mais sa nouveauté, sa profondeur. Souvent, l’auteur vit en amont de son public, qui le découvrira, 10, 15 ou 30 ans après. Maintenant, quand on voit que les éditeurs ne veulent plus pousser que des blockbusters littéraires, on peut se demander si les auteurs qui marqueront notre siècle pourront avoir une visibilité, même minime, qui pourra leur permettre d’être reconnus plus tard, bien plus tard.

Peut-être que le Proust de 2013 vient d’être refusé par Gallimard qui a préféré éditer une nouvelle biographie de star, ou un autre qui a senti un filon dans une n-ième histoire de complot (ça marche bien, ça, les complots… vous vous souvenez de Da Vinci Code ? Non ? Normal, c’était un livre à billet, dans 10 ans, plus personne n’en n’aura entendu parler alors qu’il a fait la fortune de son auteur). Donc oui, mille fois oui, la littérature se trouve ailleurs. Et si l’évocation des classiques vous donne la nausée, il y a de la grande littérature encore ailleurs, loin de ce que le lycée, l’université ou autre cherchent à vendre (eux aussi sont soumis à la loi des éditeurs, regardez les programmes du bac/ENS/agrégation pour vous en convaincre : ça tourne sur une oeuvre qui aura été accompagnée de plein de commentaires qu’il faut vendre). Je pense en littérature étrangère du coup, Jim Morrison pour la poésie, Herman Hesse pour ses romans courts, Kateb Yacine pour se prendre en plein estomac un roman déchiré, mais aussi des plus vieux qu’on redécouvre, Beckett, Mallarmé, Huysmans, Sade. Même Balzac est fabuleux : lisez la Comédie Humaine à 13 ans, relisez-là tous les 5 ans, vous découvrirez de nouvelles choses toute votre vie et vous apercevrez que le bonhomme a écrit l’alpha et l’oméga du roman classique. 

On peut dire “lire est avant tout un plaisir et lire tel ou tel auteur est trop complexe”… ça revient à reconnaître un défaut de votre côté, pas de celui du bouquin, qui n’est pas lié à votre intelligence, loin de là, mais à des tas de facteurs extérieurs et notamment au mode de consommation abruti de la lecture qui est fait aujourd’hui (médias/publicité principalement). “Mes contemporains ne savent pas lire, sinon dans le journal” écrivait déjà Mallarmé au siècle dernier, répondant à ceux qui l’accusaient de n’écrire qu’un grand n’importe quoi sans forme ni fond. Comme quoi, le problème est vieux, mais oui, quand on se met à vouloir lire de manière active et plus comme une activité passive de déchiffrement d’un sens unique et évident, on commence à distinguer très facilement entre la mauvaise littérature et la bonne littérature. Pas besoin d’avoir un doctorat de lettre classique pour faire ça, il suffit d’entraîner son cerveau à comprendre plus de chose que ce qui apparaît pour qu’à la fin, dans une lecture même rapide, chaque phrase d’un auteur ait un sens propre et une importance fondamentale. Oui, il y a tout ça dans la littérature, c’est un monde à explorer avec plus de richesses encore dans les creux que dans les bosses visibles. 

La littérature “de gare”, comme on l’appelle, un intérêt ? Bah oui, je ne la rejette pas : elle sert à faire patienter dans les gares, c’est-à-dire à occuper l’attention sur autre chose que la montre et doit donc être une suite de mots formant des phrases sans grand sens, le tout formant une histoire conventionnelle simple à intellectualiser et surtout, à oublier (il faut en consommer une autre). Non, on est d’accord, à 800 dans une rame de RER, on ne peut pas lire du Kierkegaard, encore moins le comprendre. Mais la littérature n’a jamais prétendu être un art à consommer à la va-vite pendant la bronzette ou dans les transports, ça, c’est ce qu’un idéal de consommation associé à une honte de “ne pas lire” justement initiée par une intelligentsia autoproclamée a fait de ce medium. Reste que même dans les auteurs “de gare”, il y en a de très bons qui vont donner envie de se lancer dans une meilleure littérature - et c’est tout à leur honneur d’initier le non-initié à découvrir des choses toujours plus grandes et plus belles -, et d’autres qui ne sont que des pantins marketing, qui servent à récolter des prix.

Alors lire de la mauvaise littérature ou ne pas lire ? Ma recommandation personnelle serait de tenter au moins d’affronter la difficulté, elle est plaisante une fois surmontée.

[quote=« Macgyv, post:23, topic: 54729 »][/quote]

Non seulement ça, mais en plus, il est tellement plus profitable de se forger ses propres goûts et éventuellement d’apprendre de ses erreurs (en lisant de mauvais ouvrages) plutôt que de suivre la voie tracée (souvent pédantesquement) par d’autres, quelles que soient leurs motivations.

PS : ce qui est paradoxal, c’est que ceux qui veulent à tout prix te faire voir la lumière en essayant de te faire lire « mieux » sont souvent ceux dont les réquisitoires sont les plus chiants à lire. :stuck_out_tongue:

[quote=“Faskil, post:26, topic: 54729”][/quote]

Ca, ça reste pas juste, surtout quand tu t’adresses à quelqu’un de 13 ans. Forger tes propres goûts oui, 100% d’accord, mais il ne faut pas tomber dans l’excès inverse qui est de croire qu’on sait ce qui est bon d’instinct. Sans vouloir te flatter pour faire avancer mes arguments, tu fais souvent autorité en matière musicale pour moi : je n’aime pas tout ce que tu proposes à écouter, mais je reconnais ton savoir, ta connaissance, ton érudition en la matière bien plus développés que les miens, du coup je te fais confiance et je suis rarement déçu. Au contraire, me faire découvrir des choses que je trouvais a priori inaccessibles à mes oreilles a enrichi mes goûts sans les changer.

Pourquoi ne pas concevoir la même chose avec la littérature qui est un domaine au moins aussi vaste et complexe que la musique, et dont on a des traces encore plus vieilles puisque l’enregistrement est une technique récente (et donc encore des milliers de façons de s’y perdre) ? 

De toute maniere pour m’y interesser pas mal tu as des programmes capables de générer des bouquins.

Il existait déja des recettes pour construire un livre, des grilles et des algorithmes papiers que l’on se refilait en création de scénario.

Personnellement ca ne m’etonnerai pas que d’ici quelques années un mec fignole bien son algo et te sorte du lévi a tour de bras et génere des bouquins.

Suffit de prendre des templates, quelques recettes un peu de machine learning et ca devrait etre bon.
Perso ca fait suffisant de dire ca mais file moi un mois a temps plein et je te pond un algo capable de te générer du lévi a tour de bras.

http://singularityhub.com/2011/09/19/ai-journalist-writes-sports-and-now-everything-else-statsheet-raises-4m-changes-name-and-focus/

http://ishmaelsdog.blogspot.fr/2011/05/seer-and-novel-writing.html

J’en arrive presque à regretter ce thread. Me faire insulter non, mais dire que ce que je lis est, mauvais et que c’est de la merde, me blesse.
Certes, peut être que ce que je lis est pitoyable et déplorable à tes (vos) yeux.
Comme a dit Faskil, je me forge un avis sur les auteurs, c’est peut être mauvais. Peut être vous détestesterez ces artistes. Mais ne venez pas dire que ce que je lis moi, c’est de la merde ou que c’est mauvais. 
Mais merci. Merci de ton acceuil. 


Je pense qu’il y a des manières moins violentes de me conseiller certain auteurs.

[quote=“LordK, post:27, topic: 54729”][/quote]

Il ne faut pas me prêter des raisonnements binaires non plus. Je n’ai pas dit que l’auto-apprentissage était la seule voie. J’ai dit qu’à mon sens, il était plus profitable de découvrir par soi-même. Ça n’empêche pas de se faire aiguiller aussi. Mais comme le discours ici était un poil trop dirigiste (et catégorique) à mon goût, je voulais recadrer un peu les choses.

@Bussiere : sans aller chercher aussi loin, les mièvreries de type “Arlequin” sont écrites à la chaîne, selon des schémas narratifs, situations etc. qui sont imposés par les éditeurs, et ce, depuis très longtemps. C’est limite du texte à trou, du coup c’est sûr, combler les trous avec une machine à terme, c’est pas impossible.

[quote=“LordK, post:31, topic: 54729”][/quote]
J’ai faillit citer harlequin dans mon exemple.

[quote=« Azeet, post:29, topic: 54729 »][/quote]

Il ne faut pas. Il y a malgré tout des pistes intéressantes à suivre. Après, le ton de tout le monde n’est pas forcément adéquat, mais on est là pour veiller au grain. :wink:

[quote=“Faskil, post:30, topic: 54729”][/quote]

Le problème reste entier : si tu pioches au hasard sur un présentoir de Virgin euuuh pardon, Fnac, tu resteras dans un cadre de littérature similaire. Tu croiras juger des oeuvres différentes et moduler tes goûts dessus, tu verras qu’un auteur est meilleur qu’un autre, mais tu seras resté dans un tout petit carré de 2cm de côté dans la jungle littéraire. Je crois au contraire - et par expérience, ça a tout à fait marché avec moi - qu’il faut de bons guides au début - et pas forcément des profs qu’on a tendance à prendre pour l’ennemi au service de l’Ennui. Qu’ils te donnent les outils pour tracer ta voix et après cette initiation, tu peux juger ce que tu lis sur de bonnes bases et forger tes goûts. 
Et on m’a pas fait lire Proust à 13 ans hein, mais Le Dernier Jour d’un condamné, les Rêveries du promeneur solitaire, un peu de romantisme français, un ou deux grand romans, du théâtre antique, du théâtre contemporain et un récit fondateur (l’Iliade a plus de sang, mais l’Odyssée est plus fun), et hop, t’as un bagage littéraire suffisant pour commencer à cerner ce qui te plaît et ce qui va vraiment te transporter et pas seulement te faire passer le temps.

Donc oui algo + machine learning et tu ponds un truc pas mal.

Apres pour avoir taté un peu de pédagogie et avoir crisé souvent, voir mettre tapé la tete contre les murs (souvent aussi),
mon attitude est :
Tu ne changeras pas les gens, et chercher a les elever a tout prix est déprimant aussi.
Plutot que de devenir aigris, j’y vais par touche.

Je file un bouquin ou un cd ou autre chose (matos de crochetages , trucs de magies , arduino), et si ca interesse les gens et ils veulent creuser je suis la.

Je ne me prends plus la tete avec ca et j’ai laissé tomber. Mais je suis la si jamais ils veulent creuser un peu.

@superlegume tu devrais faire pareille. Tu files un truc une piste et si les gens creusent c’est qu’ils en valent le coup. Le reste tu laisses tomber avec l’age faut apprendre a laisser couler sans devenir cynique.

[quote=“LordK, post:34, topic: 54729”][/quote]

Il faut de bons guides tout le temps, mais il faut aussi être curieux. Pour moi, y’a pas de chronologie dans la démarche. Commencer obligatoirement et exclusivement par de la lecture conseillée, c’est déjà trop dirigiste et orienté pour moi.

Bon et bien je lirai du Proust, du Breton, du Homère. Comme ça j’aurai un “bagage littéraire”…


Et Marcel Pagnol ? Naïs ? Considérez-vous ça comme une littérature “potable” ?

voilà
apres tu enquilles avec tolkien, matheson et K.dick ( j’aurai bien dit g.r.r martin et le trone de fer, mais c’est quand même pas le plus digeste)
un petit world war z de brooks pour se reposer le cerveau
et hop…un petit  zola  parce que merde…le nord quoi!

[quote=“Azeet, post:37, topic: 54729”][/quote]

 y’a pas a considérer quoi que ce soit:
Tu fais la demarche de lire, genre…tu lis un vrai bouqin!!!

sans deconner, pour côtoyer plein d’ados/jeunes adultes/moins jeunes adultes
ça constitue déjà une petite prouesse, la simple demarche d’eteindre la tele pour prendre un bouqin, en soi,on devrait tous femer nos mouilles et te dire:
“let’s go man, fait toi plaisir, va a la mediatheque, feuillette, pioche au hasard,et vois ce qui te plait”

[quote=“LordK, post:25, topic: 54729”][/quote]

C’est fait exprès ?
Parce que justement Proust avait été refusé par Gallimard

Azeet : ce n’est pas “potable” ou pas “potable”, même si j’aime bien la métaphore qui voudrait te voir boire des lettres. A la limite, je te conseillerais plutôt de rester sur des romans courts (120 à 200 pages) avant de t’attaquer aux “grands romans” (par la taille, pas par la qualité). Ainsi tu découvriras plus de choses différentes et avoir des tas d’orientations pour affiner tes goûts, c’est essentiel. Franchement, ne lis pas Proust, pas tout de suite, c’est 1000 pages de vide, il faut avant que tu saches pourquoi il fallait écrire un roman vide et qu’est-ce que l’oeuvre pourra apporter alors, si ce n’est une histoire. C’est un long périple avant d’y arriver et je comprends qu’on puisse détester Proust si on tombe dessus sans explication et sans, justement, avoir lu beaucoup de choses avant. Te braquer contre un auteur, c’est dommage, tu n’y reviendras sûrement plus par la suite.

Mais oui, l’Odyssée, c’est long, mais ça se lit par “épisodes”, puis c’est amusant. Je remets une couche avec Hesse, mais dans le genre roman d’initiation intelligent, c’est brillant (et très simple à lire, contrairement à Goethe, ou Mann, il a fait le choix d’une écriture épurée) : Demian. Lis Antigone, celle de Sophocle, ça te prendra 2 heures et c’est un condensé de thèmes qui vont resurgir dans toute l’histoire de la littérature. Lis aussi un Camus, pourquoi pas La Peste ? C’est un peu long. Pioche un roman court chez Balzac, Le Père Goriot par exemple. En poésie, lis Baudelaire. Il y a tout dans Baudelaire. Et un Diderot, c’est brillant et court aussi : Jacques le Fataliste par exemple.