Bon aller au risque de me faire locké pour plagiat de thread j’aimerai aussi faire découvrir le début d’un roman que j’ai écrit. Alors pour le moment j’ai pas grand chose (enfin beaucoup moins que Maune que j’ai eu l’occasion de lire il y’a déjà pas mal de tps) mais je voudrais juste savoir si c’est accrocheur. Vu qu’il n’y à que 8 pages je me hasarde à copier l’ensemble ici:
Life Recorder
Deux semaines déjà que Norbert s’affairait sur le petit disque en diamant et toujours rien ! Cette fois il commençait à désespérer, non pas que son boulot fut inintéressant mais décortiquer le contenu de chacun des « L.R » représentait un vrai travail de titan. Calé dans son siège en cuir XX eme (c’est que le budget alloué à la Section Spéciale de Visionnage des Enregistreurs de Vie était assez extraordinaire !) Norbert profita d’une pause pour allumer une banale cigarette « à l’ancienne » et, le regard fixé sur le Life Player, il se remémora instantanément l’histoire mouvementée de cette technologie. Il était depuis longtemps incollable sur ce qui touchait de près ou de loin aux Life Recorders et de toute façon, comment ne pas l’être après le cursus exemplaire qu’il avait suivi. Dès le collège, les programmes d’Histoire de la Civilisation Humaine (l’H.C.H, une manière assez pompeuse d’appeler l’Histoire avec un grand « H » faisait mention de la VisioVie (V.V ou L.R pour Life Recording en langue anglo-américaine) et Norbert n’en avait pas manqué une miette. Il pouvait encore énumérer les dates importantes sans même avoir à les chercher au fond de sa mémoire :
2016 : La société japonaise Sony Corporation ( depuis longtemps maintenant annihilée par la concurrence américaine) met au point la toute première EyeCam, une minuscule caméra pouvant être fixée sur la rétine même d’un être humain et pouvant stocker trois secondes de ce que celui-ci perçoit via ses organes de perception visuelle.
2022 : L’entreprise Out of Memory, spécialisée dans les périphériques de stockages de données numériques, invente le Extra High Capacity Diamond Hard Drive (E.H.C.D.H.D) qui met fin à la course aux Teraoctets que se livraient les grands constructeurs de disques durs mondiaux. L’E.H.C.D.H.D (ou D.H.D) permet en effet de stocker une quantité indéfinissable de données sur un minuscule diamant à peine visible à l’œil nu. Le diamant de synthèse contribue à l’essor de cette technologie qui devient vite la norme au détriment des disques durs classiques. Une grave crise économique frappe les entreprises de conception de composants informatiques, une page est tournée dans l’histoire du numérique mais plus généralement dans l’H.C.H.
(note : Out of Memory est depuis toujours la seule détentrice des droits du D.H.D, c’est l’une des trois multinationales les plus financièrement lourdes du monde, elle detient 97% des ressources mondiales en diamant et on estime qu’elle emplois plus d’1 million de personnes.)
2033 : Henry Baylay et Jerry Irving, respectivement ingénieur en haute technologie et chirurgien laser, conçoivent dans une cave et pendant leurs heures de loisirs le premier et dernier prototype de Life Recorder.
2035 : G.Baylay et J.Irving fondent la Record Your Life qui permet à n’importe qui, mais pour des sommes astronomiques, de se faire installer un L.R.
2038 : Faillite de Record Your Life poussant John Irving au suicide.
2039 : Le gouvernement américain rachète les droits du L.R à H.Baylay pour 18 milliards de dollars.
2041 : Le gouvernement américain met en place le plan Citizens Safety et prévoit secrètement d’implanter automatiquement un L.R à chaque nouveau-né dès 2045.
2045 : Le président P.Williams lance le plan Citizens Safety sans en avertir l’opinion publique.
2046 : Une poignée de chirurgiens dénonce l’implantation des L.R malgré un serment fait au gouvernement américain. Soulèvement de la population contre le président Williams, ce dernier se voit obligé de démissionner et est condamné à 24 ans de prison pour avoir bafoué la Constitution. Le plan Citizens Safety prend fin mais ils est impossible d’extraire les L.R des quelque 10 millions d’enfants ayant servi de cobayes.
2050 : L’ancien acteur Oliver Sparrow accède à la présidence des Etats-Unis. Il ressort le plan Citizens Safety en le renommant Thruth Behond Your Mind. Vague de protestations, grosses émeutes à New York, Seattle et Atlanta mais répression violente de la part du gouvernement Sparrow.
2051 : Naissance du groupuscule Kill Big Brother à Atlanta qui tente par deux fois d’assassiner le président Sparrow à moins de deux semaines d’intervalle.
2059 : 100% des nouveaux nés américains sont équipés d’un Life Recorder dès les premières heures après l’accouchement de la mère . La première ministre anglaise Ashley Smith décide d’adopter la même politique que son homologue américain.
2060 : Marc Herriote, président français s’oppose fermement à l’implantation de L.R et blâme A.Smith pour sa décision. Dans la foulée l’Italie, l’Espagne, l’Autriche, l’Allemagne, la Suisse et le Japon rejoignent la Grande Bretagne et les Etats Unis au sein des pays ayant adopté les L.R.
2061 : Sous la pression de l’O.N.U M.Herriote rejoint aussi la C.P. I.L.R, la Congrégation des Pays Implantant le Life Recorder.
2067 : 50% des nouveaux nés humains sont équipés d’un Life Recorder dès les premières heures après l’accouchement de la mère .
2068 : Drame d’EyeLess dans la nuit du 3 juillet, 2,5 millions de personnes se crèvent les yeux au même moment dans 37 villes dont Tokyo, Paris, New York et Moscou. Nouvelles émeutes et nouvelles répressions sanglantes (3,2 millions de morts entre août et novembre).
2112 : On estime que 99,99% des nouveaux nés humains sont équipés d’un Life Recorder dès les premières heures après l’accouchement de la mère .
2190 : 100% des américains sont équipés d’un L.R.
2204 : On estime que 99,99% des humains sont équipés d’un L.R.
2208 : Première statue de G.Baylay et J.Irving érigée au National Museum of Life Recording.
Norbert s’était machinalement remémoré l’ensemble de ces dates à la manière d’un écolier récitant sa leçon apprise par cœur. Se rappelant parfaitement ses cours il lui revint aussi en mémoire l’antique définition du Life Recorder qui précédait, dans son livre d’H.C.H, la frise chronologique :
Enregistreur de vie : Dispositif révolutionnaire mis au point par les américains G.Baylay et J.Irving en 2035 il se compose d’une caméroeil (Sony Corporation, 2016) et d’un Disque Dur en Diamant à Extra Haute Capacité de Stockage (D.D.D.E.H.C.S ou D.D.D) (Out of Memory, 2022). L’association de ces deux appareils permet d’enregistrer l’intégralité de ce que perçoit une être humain grâce à ses organes de perception visuelle. La caméroeil capte chaque image perçue alors que le D.D.D les stocke. Les informations stockées peuvent ensuite être consulté grâce à un Lecteur de Vie.
Lorsqu’ un enregistreur de vie est implanté, sa désimplantation entraîne directement et irrémédiablement la perte de la vue.
Le souvenir de cette leçon d’H.C.H laissa un doux souvenir sur le visage de Norbert. A l’époque, il n’avait pas compris un seul mot de ce charabia mais avec du recul cette définition (encore en vigueur) avait de quoi faire sourire. Cette technologie était venu tout droit d’outre atlantique mais les Français avait quand même tenu à traduire chacun des termes techniques et pour Norbert, ces francisations n’avait pas plus de sens que l’aurait eu la traduction du mot « camembert » en anglo-américain.
Ses pensées revinrent vite à la chronologie et malgré tout ses efforts Norbert ne comprenait toujours pas pourquoi tant de gens avaient été défavorables à l’implantation de R.L. Bien sur, il restait quelques groupes d’allumé (dont le célèbre Kill Big Brother) mais la majorité des citoyens habitants la Terre était tout de même bien consciente de la révolution historique qu’avait engendré la Life Recording. En deux siècles, le taux de criminalité n’avait jamais était aussi bas et c’était sûrement grâce à Baylay et Irving.
Norbert revint enfin à la réalité de son spacieux laboratoire de visionnage des enregistreurs de vie. Cette petite escapade dans le passé n’était pas là pour le rajeunir… En 2240,dès l’âge de dix ans, il était tombé sur un livre consacré exclusivement au L.R et depuis, cette fascination n’avait toujours pas daigné le quitter. A vingt huit ans il était donc naturellement devenu visionneur général à la Section Spéciale de Visionnage des Enregistreurs de Vie (S.S.V.E.V), l’une des branches les plus importantes de la police française.
Dix ans d’enfermement.
L’affaire sur laquelle planchait Norbert semblait assez retors. Elle concernait le meurtre d’un individu de sexe masculin dans le cimetière du Père-Lachaise. En temps normal la procédure était assez simple. D’abord on examinait le L.R de la victime et l’on visionnait les dernières images que celle-ci avait vues… Le plus souvent on pouvait clairement voir le visage du coupable et l’identifier. C’était la première tâche que Norbert avait à accomplir, il était chargé d’identifier un assassin et de donner son nom à la P.I (Police d’Intervention). Cette brigade se chargeait ensuite d’arrêter le meurtrier présumé pour amener son L.R à la S.S.V.E.V. Là, Norbert reprenait les commandes et visionnait le contenu du D.H.D pour voir si oui ou non la personne arrêtée était coupable d’un forfait (en l’occurrence d’un homicide pour Norbert. Les menus délits étaient confiés à des sections locales bien moins importantes que la S.S.V.E.V). Evidemment ça n’était pas toujours aussi facile, il fallait parfois recouper plusieurs L.R pour parvenir à identifier quelqu’un mais cela dit il était rare que la S.S.V.E.V mette plus de 4 jours à donner le nom de l’assassin. Cette fois, c’était le cas, et Norbert ne voyait absolument pas comment sortir de cette impasse.
Plus que deux heures et Norbert pourrait enfin rejoindre son immense appartement dominant la chétive tour Eiffel. Il lança à nouveau l’ultime minute du L.R de la victime et regarda attentivement son contenu. L’homme court parmi les tombes en haletant, il regarde à droite, à gauche, s’arrête, respire, reprend sa course, trébuche, hurle mais ne donne pas le nom de son bourreau comme c’est parfois le cas (cela permet à la victime d’avoir la certitude qu’il sera vengé. Cependant il fournit de précieuses informations et malgré sa mort imminente il a le réflexe de décrire son poursuivant. Il profère ainsi les paroles « Brun, grand, barbe, jean bleu, chemise blan… » juste avant d’être vraisemblablement frappé dans le dos. Ecran noir. Tout au long de la vie l’énergie nécessaire au fonctionnement du R.L est fourni par l’activité interne du corps, lorsque celui devient inerte l’eyecam et le D.H.D s’arrêtent instantanément. Le visage du tueur n’apparaît pas une seule fois durant toute la poursuite. Norbert est déjà remonté à près de deux semaines avant la mort pour tenter de glaner des informations mais pour la première fois de sa carrière cela ne lui a pas donné le nom de la victime . Il hésite maintenant à remonter plus loin, ça ne lui a jamais été nécessaire et par respect pour le mort il préfère ne pas trop fouiller dans le grand film de sa vie. Norbert a déjà résumé grossièrement sur son calepin ce qu’a fait la victime et la relecture de ses notes lui fait presque froid dans le dos :
«M – 13 jours et 16 heures : L’homme se trouve dans un appartement très sombre. Aucun moyen d’identifier le lieu. Les murs sont blancs, sales et nus. Pas de communications avec l’extérieure. Très peu de son, aucun en fait à part ceux générés par la victime.
M – 10 jours : Apparemment l’homme ne sort pas de son appartement. Il possède une réserve importante de nourriture lyophilisée dans laquelle il va prendre chaque jour deux sachets. L’homme ne se lave pas.
M – 5 jours : J’ai visionné 5 journées en accéléré, pas d’évolution. L’homme répète quasiment la même routine chaque jour et exécute le strict minimum pour survivre. Il reste parfois plusieurs heures à regarder un mur. Toujours pas de paroles et aucun contact avec qui que ce soit. J’ai réussi à dresser un plan de son appartement : il se compose de 3 pièces carrées, une cuisine très sommaire ( rien de particulier), une chambre avec un lit et enfin une salle de bain avec lavabo, toilette et cabine de douche, pas de miroir. Il n’y a pas de fenêtre. Les 3 pièces viennent les unes après les autres : cuisine, chambre, salle de bain. Il est impossible de passer de la cuisine à la salle de bain sans passer par la chambre.
M – 2 jours : R.A.S
M – 12 heures : L’homme dort depuis maintenant 12 heures.
M – 6 heures : Il n’a toujours pas ouvert les yeux après 18 heures de sommeil.
M – 3 heures : Bruits étrangers. L’homme dort encore mais il est très probablement transporté par une voire deux personnes. Claquement de portes puis bruit de circulation. Toujours pas d’image.
M – 2 heures : Le corps de la victime semble avoir était déposé dans un lieu très silencieux.
M – 1 heures : Pas d’évolution.
M – 11 min 33 s : L’homme ouvre enfin les yeux. Première perception visuelle depuis 23h48 min47s. Je constate facilement que l’homme se trouve au cimetière du Père Lachaise. Il ne bouge pas encore.
M – 3 min 14 s : Bruit de pas. Etrangement l’homme ne se retourne pas. Il se lève et commence à courir.
M – 4 s : Poursuite depuis maintenant 3min 10s. L’homme a trébuché et est par terre. Bizarrement il hurle « Brun, grand, barbe, jean bleu, chemise blan… » alors qu’il ne semble par avoir aperçu son agresseur. Mort. »
Norbert a beau se creuser la tête, il ne voit absolument pas d’où vient la description de l’assassin. En quatorze jours le L.R de la victime montre que celle-ci n’a pas eu une seule fois un être humain dans son champ de vision. Jamais L.R n’aura été si étrange. Exceptionnellement il va falloir se décider à remonter à plus de deux semaines.
Le temps semble ne pas s’écouler dans le bureau de la S.S.V.E.V et alors que le soleil décroît Norbert s’apprête à régler le Life Player sur M – 1 mois. Il est fébrile, il n’aimerait pas tomber sur une scène trop intime. Il se rappelle avec dégoût avoir découvert par hasard une scène d’ébat amoureux lors d’une précédente affaire. Nerveusement, Norbert tire une nouvelle cigarette de son paquet, il l’allume puis finit par actionner le Life Player dans un mouvement de désespoir. Il attend que l’image s’affiche mais… rien ! Non, rien, pas d’évolution ! L’homme est toujours dans son appartement. Norbert recule de 12 heures, avance de quatre jours, de six jours, de dix jours mais ne note pas un seul changement ! L’homme est toujours dans son appartement miteux et n’en sort pas ! Interloqué le visionnneur décide d’aller encore plus loin, il remonte à… dix ans ! Oui, dix ans ça devrait aller, la totalité du L.R renferme dix-neuf ans donc dix ans plus tôt la victime devait en avoir neuf et n’était sûrement pas en train de croupir dans un trois pièces. Norbert actionne avec conviction le Life Player… encore un petite seconde et l’image va apparaître… ça y’est, il voit quelque chose apparaître sur le large écran épais de quatre millimètres du Life Player… l’image lui glace le sang. Stupéfait, il en lâche sa cigarette : le L.R n’est pas défaillant, il est évident que l’individu est enfant car son champ de vison est résolument plus bas que précédemment… le plus inquiétant est donc que cette enfant d’à peine dix ans… est déjà dans le très glauque endroit.
Renforts
Norbert ne réalisa même pas que sous l’effet de la chaleur de sa cigarette son pantalon en jean synthétique (décidément le XXème était très à la mode !) venait d’être troué ! ça n’est que lorsque l’extrémité incandescente de la tige de tabac toucha l’épiderme de sa cuisse qu’il pu décoller les yeux de l’écran tout en proférant un « Aïe » de circonstance. Par réflexe il jeta un bref coup d’œil sur sa montre qui lui indiqua en cristaux fluorescent 19H52… plus que huit minutes et il pourrait quitter son bureau. Non, il n’y pensait même plus, ce qu’il venait de voire était tout simplement incroyable et pour une fois il passerait sûrement la nuit dans son labo !
Après deux minutes d’intense réflexion il se décida à empoigner le combiné de son téléphone. A lui tout seul il mettrait des lustres à analyser ce satané D.H.D et un peu d’aide ne serait sûrement pas de refus. Norbert tapota avec énergie le numéro personnel d’Allan Crisis, « l’humble directeur » de la S.S.V.E.V. Il commença timidement :
-M. le directeur, excusez moi de vous déran…
-Venez-en au fait M.Herbert je n’ai que faire de vos excuses. Faite vite ma fille m’attend pour 20H30 et j’ai intérêt à quitter ce bureau dans les minutes qui suivent, lui répondit sèchement son interlocuteur.
Norbert avait depuis longtemps arrêté de répondre aux paroles véhémentes de son supérieur. Ce dernier avait été placé à ce poste par le président de la république en personne et c’était courir au suicide professionnel que de contester Crisis.
Prenant une grande inspiration Norbert reprit d’une traite :
-J’ai de gros problème avec la dernière affaire, je ,n’ai toujours pas le nom de l’assassin après deux semaines de recherches. Etant donné qu’il m’est nécessaire de passer en revue presque l’intégralité de la vie de la victime j’aimerais que vous m’accordiez quelques renforts…
-Si ça n’est que ça… Je vous fait venir Nicole Ang et Etienne Bougeot il me semble qu’ils ont une certaine expérience. A l’avenir essayez de vous débrouillez seul Herbert… on vous paye pour ça ! proféra avec dépit l’un des plus haut fonctionnaires de police juste avant de raccrocher.
Norbert n’en croyait pas ses oreilles ! Un homme qui gagnait 50 000 € par mois et qui se pavanait toute la journée au dernier étage de la « Tour Marc Herriote » avait osé le traiter d’incompétent ! Sur le coup il pensa à rappeler immédiatement son patron pour l’insulter copieusement mais après avoir tapé les quatre premiers chiffres de son numéro il se ravisa prudemment. La rage laissa vite place à du dépit… ce n’était pas deux jeunes étudiants qu’il lui aurait fallu mais plutôt une bonne vingtaine de spécialiste. Le couple Ang/Bougeot était bien connu dans la section et c’est à peine s’ils savaient mettre en marche un «Life Player » à eux deux. Norbert regrettait d’avoir consulté Crisis et se jura de ne jamais recommencer. Dans quelques minutes Nicole arriverait et avec elle l’interdiction d’allumer une de ses bonnes vieilles cigarettes.
En attendant, le visionneur décida de reprendre ses recherches. Il lui était venu une idée toute bête mais qui devrait l’assurer d’obtenir le nom de la victime. Il régla le Life Player sur « M- 19 ans 4 mois 2 jours 12 heures et 14 secondes » ce qui correspondait en fait à une date se situant à quelques heures après la naissance du défunt. Fixant attentivement son moniteur il s’apprêta à prendre de précieuses notes. La première image montrait clairement que le bambin ne se trouvait pas dans le trois pièces mais dans une voiture à priori haut de gamme . Norbert n’eut pas de mal à comprendre que la famille revenait à l’instant même de l’accouchement. Etrangement ni le père, ni la mère (que l’on voyait vaguement de dos à l’avant du véhicule) ne parlaient malgré l’enthousiasme qu’aurait dû susciter l’arrivée du bébé. Norbert s’apprêta à avancer la vidéo d’une bonne heure lorsque son oreille gauche perçu des gloussements féminins à travers la cloison du bureau. Dans les secondes qui suivirent Nicole et Etienne franchirent la porte vernie.
Travail nocturne
Les tourtereaux arrivèrent dont littéralement hilares dans le bureau de Norbert. Le regard noir que celui-ci leur jeta suffit à les calmer instantanément. Nicole prit la parole :
« -Excuse nous Norbert on profitait de nos dernières minutes de repos. Tu sais bien qu’il est toujours bon de rigoler avant de se lancer pleinement dans une activité, lança-t-elle avec un clin d’œil.
Elle avait le charme des beautés asiatiques et Norbert devait bien avouer qu’il lui était difficile de ne pas craquer quand elle lui faisait des gestes complices. Inconsciemment il illumina son visage d’un large sourire presque niais ce qui n’échappa pas à Etienne :
-Content que le fait de nous voir t’enthousiasme autant Bebert. »
Etienne était de ceux qui aiment se comporter familièrement avec n’importe qui et qui s’imaginent être adoré par l’ensemble des êtres vivants peuplant la Terre. C’était l’une des trente-deux raisons pour lesquelles Norbert haïssait son collègue. Il y’avait aussi son humour lourd et toujours déplacé, sa légendaire orgueil mais surtout, chose impardonnable, le fait qu’il sorte avec Nicole depuis maintenant onze mois et dix huit jours. Norbert ne supportait pas de voir cette délicieuse créature au bras du plus incompétent « visionneur » de son service mais apparemment la love story entre les deux ne semblait pas vouloir prendre fin. A vingt-six ans ils formaient un couple pour le moins surprenant. Elle, issue d’une riche lignée d’immigrant Vietnamien et lui, français moyen sorti du tréfonds du Berry. Elle, raffiné et élégante et lui, lourdaud et prétentieux. Elle, parvenue à son poste à force de sacrifice et de volonté et lui, arriviste pistonné par son oncle…. On pourrait énumérer pendant des heures les différences qui séparent les deux âmes de ce couple atypique mais à voir l’harmonie qu’il y régnait elles semblaient ne pas exister. C’était sûrement la chose qui exaspérait au plus haut point Norbert, voir la complicité qui se dégageait des deux amoureux suffisait à lui donner la nausée. Fatigué il entrepris d’expliquer la situation à ses nouveaux assistants :
« -Vous savez sûrement que jeudi 10 j’ai reçu ici même le L.R d’une nouvelle victime de la folie humaine…
-A vrai dire Crisis vient de nous en informer, nous étions très impliqué dans un démantèlement de trafic de stupéfiants, répondit Nicole.
-Peu importe, repris Norbert, je bloque pour de bonnes raisons depuis deux semaines sur le L.R et il me faut de l’aide vu la quantité de vidéo à analyser.
-C’est à dire ? questionna Etienne.
-Environ neuf ans. Je suis trop las pour vous expliquez toute l’affaire alors munissez vous chacun d’une copie de mes notes pour prendre connaissance du problème. J’ai aussi pris soin de copier le contenu du L.R sur deux D.H.D vierges. Nicole tu t’occupera des images de « M- 19 ans » à « M- 14 ans » et demi quand à ton compagnon il prendra la suite jusqu’à « M- 9 ans ». Je me charge de la recherche sur les dix dernières années. »
Le ton de Norbert avait été si sévère que ses subordonnés s’exécutèrent religieusement et regagnèrent leur bureau respectifs sans un mot.
La paix à nouveau, il était maintenant plus de 20H30 et la vision du soleil se couchant sur Paris à travers la grande baie vitrée du laboratoire emplit Norbert d’une sensation de bien-être immense. Il n’avait plus vraiment envie de se replonger dans sa sombre enquête et enflamma son ultime cigarette de la journée. Les dernières cendres de celle-ci tombèrent sur le parquet luisant lorsque Norbert, avachie dans son fauteuil moelleux, trouva enfin le sommeil.
Sombre conclusion
Norbert ne sorti de son lourd sommeil que sur le coup des 10H du matin. Il jeta machinalement un coup d’œil à la date dans le coin inférieur droit de l’écran du Life Player : Dimanche 16 juillet. A l’heure qu’il était il aurait du être en train de sillonner la campagne Normande à la recherche d’une nouvelle maison mais suite à la journée précédente il se retrouvait bêtement coincé dans son bureau. Quelle idée aussi de vouloir faire du zèle pour un service aussi ingrat que son patron… Maintenant il était bien trop tard pour partir en vadrouille alors Norbert pensa qu’il ferait bien de regagner directement son appartement du champ de Mars. La bouche encore pâteuse il se leva et entrepris de quitter son bureau. Il chercha des yeux ses numériclés mais à défaut d’apercevoir les familières petites cartes son regard resta bloqué sur un petit bout de papier sur lequel était noté quelques phrases. Il reconnut aussitôt l’écriture de Nicole et le saisi avidement :
« Il est presque minuit Norbert et tu dors comme un bébé. Je n’ai pas osé te réveiller alors voilà mon rapport. Etienne n’a malheureusement pas hérité du plus intéressant d’où l’absence de son compte-rendu. Cependant je pense que mes découvertes devrait te suffire, j’ai d’ailleurs réussi à identifier la victime. Bonne chance pour la suite, au plaisir de re-travailler sous ton commandement J.
Nicole
P.S : Evite le surmenage c’est mauvais pour les nerfs.
P.P.S : Tu devrais arrêter de fumer ça te rend nerveux J.
P.P.P.S: J’ai besoin de clarifier quelques points concernant ma carrière et j’estime que tu es le mieux placé pour m’aider alors si tu es libre j’aimerai passer un moment avec toi. Au « Saveurs du XXIeme siècle » mardi soir ça te convient ? Contacte moi. »
Il ne rêvait pas, il relu le dernier « Post scriptum » et oui, en effet, Nicole l’invitait réellement à dîner ! Cela faisait des lustres qu’il n’avait pas eu l’occasion de passer une soirée avec une femme et cette fois il n’avait même pas eu à faire le moindre effort pour obtenir un rendez-vous ! La mine jovial, Norbert pris le rapport de sa collègue, le glissa dans sa mallette rouge et quitta son lieu de travail en pensant plus à la tenu qu’il mettrait dans deux jours qu’à son enquête.
Le métro parisien, porté par des cousins d’air, était devenu le plus performant du monde et pour parcourir la centaine de kilomètres qui séparaient la « Tour Marc Herriote » de la « Tour Eiffel » il ne fallait pas plus de dix minutes. L’entrée de l’immense immeuble de Norbert était toute proche de celle du métro et le visionneur était heureux de n’habiter qu’à un quart d’heure de son bureau.
Ce message a été édité par garuffo le 03/01/2004
