Salut à tous !
Je sais que sur Geekzone on trouve pas mal d’amateurs de Français et de bons mots, ou, tout simplement, des gens qui aiment bien écrire. D’ailleurs, le fameux thread de Chris et les commentaires qui s’ensuivent en sont un parfait exemple.
Ainsi, une question me préoccupait depuis longtemps, mais c’est hier, en tombant sur une conversation dans Parole de Geeks, que je me suis décidé à en parler sur la zone. Le coupable : Faskil. J’explique :
(Désolé, je ne me souviens plus des pseudos des personnes concernées, je me permets donc de mettre des noms au pif.)
Francis, en voulant parler « d’amours-propres », « d’orgueils » (au pluriel, donc), écrit « leurs égaux ».
Gérard le corrige et écrit : « leurs égos ».
Sur ce, Faskil intervient, et explique qu’ego s’écrit toujours sans accent, le mot étant un emprunt direct au latin.
Il est d’ailleurs invariable, et s’écrit également ego au pluriel. Francis aurait donc dû écrire « leurs ego ».
C’était aussi mon avis il y a peu de temps, mais c’est là que le titre de mon thread prend (enfin) son sens : ce n’est pas du tout le point de vue de la réforme de l’orthographe de 1990, qui, elle, introduit, et même recommande, la graphie « égo » (et « égos » au pluriel). Ce qui n’est quand même pas rien.
Mais alors, elle vient d’où cette vilaine réforme qui se permet de chambouler nos acquis orthographiques comme ça, à l’arrache ?
Je me permets de citer l’explication d’Antidote, excellent soft de correction de textes (entre autres), qui m’avait été chaudement recommandé par Yavin à l’époque :
[quote]En 1990, le Conseil supérieur de la langue française, appuyé par l’Académie française, a proposé un ensemble de rectifications orthographiques (qu’on connait aussi sous le nom de « réforme de l’orthographe ») en vue de régulariser la graphie de certains mots.
Ces rectifications touchent quelques milliers de mots parmi les centaines de milliers de formes du français. Entre autres : elles éliminent les accents circonflexes inutiles et les traits d’union superflus ; elles régularisent le pluriel de nombreux mots composés ; elles francisent la forme de mots empruntés à une langue étrangère ; elles harmonisent certaines séries discordantes ; elles conforment la graphie de certains mots à la prononciation moderne.
Les promoteurs des rectifications de l’orthographe ne souhaitaient pas transformer radicalement l’orthographe du français, mais plutôt contribuer à simplifier et à moderniser sa graphie avec l’adoption graduelle des rectifications.[/quote]
Ces rectifications orthographiques, bien qu’elles ne touchent qu’environ 2000 mots, sont, je trouve, plutôt significatives (elles seront vues plus en détail dans la suite). Alors pourquoi n’en avions-nous jamais entendu parler (pour ma part, en tout cas) ? Question d’autant plus légitime que ça fait près de 18 ans qu’elles sont en vigueur…
Est-ce parce qu’elles ne sont que les élucubrations de quelques obscurs immortels qui commençaient à s’emmerder fermement ? Et bien… pas vraiment, puisqu’elles sont tout ce qu’il y a de plus officielles (on reviendra sur ce point deux paragraphes plus loin).
Non, je pense que c’est plutôt parce qu’elles ne font pour l’instant que recommander une nouvelle graphie, sans l’imposer. L’ancienne orthographe est encore autorisée, et probablement pour longtemps. On peut tout de même regretter un manque flagrant de communication sur le sujet.
D’ailleurs, étiez-vous au courant ? Je serais curieux de savoir combien d’entre nous, sur Geekzone, avaient ne serait-ce qu’entendu parler de cette réforme, combien en connaissaient le contenu, et, surtout, combien l’appliquaient (dans son intégralité, probablement personne, si ?). Ou alors je me plante, tout le monde était au courant, et là je passe pour un con. Je n’espère pas.
Le site Orthographe-recommandée nous en apprend un peu plus sur le sujet.
D’abord, concernant le caractère officiel de la réforme : en France, le Bulletin officiel du ministère de l’Éducation nationale hors série no 5, du 12 avril 2007, précise qu’« on s’inscrira dans le cadre de l’orthographe rectifiée ».
La ligne de conduite à adopter est donc ici parfaitement claire : même si, bien sûr, la graphie classique est toujours acceptée, c’est la graphie rectifiée qui prévaut et doit être enseignée. Je suis étonné que cette mesure ne date que de 2007 (pour une réforme mise en place en 1990) ; d’après ce que j’ai compris au gré de mes lectures, c’est bien depuis 1990 qu’elle est officielle, mais ce n’est pas pour autant qu’elle devait être enseignée. Bref, là on entre dans des considérations d’ordre administratif, et ce n’est pas le sujet. Notons également que nos amis suisses, belges et québécois sont un peu plus cools puisqu’ils acceptent les deux formes orthographiques sans en préférer une en particulier.
Ensuite, les principales nouvelles règles sont présentées et expliquées brièvement dans ce guide au format PDF. Le site Orthographe-recommandée les résume ainsi :
[quote]Les numéraux composés sont systématiquement reliés par des traits d’union.
Exemples : six-milliards, cent-cinquante-mille, vingt-et-un, deux-cents, trente-et-unième
Dans les noms composés du type pèse-lettre (verbe + nom) ou sans-abri (préposition + nom), le second élément prend la marque du pluriel seulement et toujours lorsque le mot est au pluriel.
Exemples : un compte-goutte, des compte-gouttes ; un après-midi, des après-midis
On emploie l’accent grave (plutôt que l’accent aigu) dans un certain nombre de mots (pour régulariser leur orthographe), et au futur et au conditionnel des verbes qui se conjuguent sur le modèle de céder.
Exemples : évènement, règlementaire, je cèderai, ils règleraient
L’accent circonflexe disparait sur i et u. On le maintient néanmoins dans les terminaisons verbales du passé simple, du subjonctif, et dans cinq cas d’ambigüité.
Exemples : cout ; entrainer, nous entrainons ; paraitre, il parait
Les verbes en -eler ou -eter se conjuguent comme peler ou acheter. Les dérivés en -ment suivent les verbes correspondants. Font exception à cette règle appeler, jeter et leurs composés (y compris interpeler).
Exemples : j’étiquète, j’amoncèle, amoncèlement, que tu chancèles, elle ruissèle, tu époussèteras
Les mots empruntés forment leur pluriel de la même manière que les mots français et sont accentués conformément aux règles qui s’appliquent aux mots français.
Exemples : à postériori, des matchs, des miss, révolver
La soudure s’impose dans un certain nombre de mots, en particulier dans les mots composés de contr(e)- et entr(e)-, dans les mots composés de extra-, infra-, intra-, ultra-, dans les mots composés avec des éléments « savants » et dans les onomatopées et dans les mots d’origine étrangère.
Exemples : tirebouchon, contrappel, entretemps, extraterrestre, tictac, weekend, portemonnaie
Les mots anciennement en -olle et les verbes anciennement en -otter s’écrivent avec une consonne simple. Les dérivés du verbe ont aussi une consonne simple. Font exception à cette règle colle, folle, molle et les mots de la même famille qu’un nom en -otte (comme botter, de botte).
Exemples : corole ; frisoter, frisotis
Le tréma est déplacé sur la lettre u prononcée dans les suites -güe- et -güi-, et est ajouté dans quelques mots.
Exemples : aigüe, ambigüe ; ambigüité ; argüer
Enfin, certaines anomalies sont supprimées.
Exemples : ognon, assoir, asséner, exéma, nénufar, charriot, joailler, relai[/quote]
Ah ouais, quand même.
On notera quelques exemples assez énormes, comme oignon qui devient ognon. C’est logique et c’est plus simple, quand on y pense, c’est vrai, mais ça choque vachement quand même.
Personnellement, ce n’est que depuis peu que je préfère certaines des recommandations de la réforme de 1990 à la graphie classique. Je trouve tout de même assez absurde de devoir parfois me forcer à utiliser la graphie classique (alors que logiquement il faudrait plutôt faire le contraire) : en effet, vu le peu de personnes au courant de ces modifications, on passe parfois vraiment pour un con quand on les utilise. Par exemple, pour ognon (oui je l’aime bien, celui-là), pour les nombreux accents circonflexes qui sautent, ou pour toutes les expressions venant du latin du style à priori, égo(s), etcétéra (oui, oui).
À ce sujet, je serais extrêmement curieux de savoir si tous les instits/profs respectent ces recommandations. Donnerait-on raison à un élève qui aujourd’hui orthographierait le mot « ognon » ainsi dans une dictée ? Je n’ai pas encore d’enfant, mais pour ceux qui en ont en âge de faire des exercices orthographiques (niveau fin de primaire ou collège je dirais), il serait intéressant de savoir quelle est la politique menée par les enseignants. Apprennent-ils vraiment à leurs élèves la forme recommandée en priorité ? D’ailleurs, y’aurait-il, par le plus grand des hasards, des instits ou des profs de français sur la zone ?
Étant donné que beaucoup des rectifications instaurées par la réforme rendent l’orthographe de certains mots plus logique (plus proche de leur prononciation en tout cas), plus simple, et suppriment nombre d’irrégularités, des personnes qui auraient mal orthographié un mot par ignorance (revenons toujours à mes o(i)gnons par exemple) auront désormais une orthographe juste, et en plus recommandée. C’est cocasse.
Parmi les personnes ayant un minimum de culture littéraire, ça promet en tout cas de belles prises de têtes entre ceux qui sont au courant de cette réforme et ceux qui ne la connaissent pas.
Enfin, Orthographe-recommandée soulève une question plutôt intéressante : celle du temps qu’il faudra pour que les rectifications orthographiques proposées par la réforme passent dans l’usage. Je cite leur tentative de réponse :
Voilà, j’espère que ce thread aura intéressé quelques-uns d’entre vous, perso ça m’a fait plaisir de vous en parler. Désolé d’avoir été un peu long, mais c’est difficile d’aborder un truc aussi énorme en étant bref.
Je comprends que certains penseront que ça tire parfois un peu vers la sodomisation de muscidés, mais perso ça me passionne.
C’est peut-être aussi un peu indigeste, je vous prie de m’en excuser, mais je ne suis malheureusement pas un grand styliste. Le but principal était ici d’informer.
D’ailleurs, Gérard avait donc bien raison (peut-être sans le savoir), et Faskil était à moitié dans le vrai, puisque bien que la graphie « ego » soit tout à fait correcte, l’orthographe proposée par Gérard l’était également. (Si ces messieurs Francis et Gérard veulent bien se manifester, je remplacerai leurs pseudos).
Pour conclure, vu qu’on est sur un forum et que c’est quand même un peu le but : qu’est-ce que vous en pensez, vous, de cette réforme ? Je ne pense pas que beaucoup d’entre nous soient en mesure de juger de sa légitimité, mais on peut en tout cas réfléchir sur sa pertinence. La connaissiez-vous ? Maintenant que vous en connaissez les grandes lignes, allez vous l’appliquer ? En parler ? Vous y intéresser de plus près ? Bref, si ça vous va, je propose que nous partagions dans la joie et le crack nos avis et réactions ci-dessous.