Un petit mot parceque je dois dire que vu d’ou je suis, le Valve’s bashing me fait un peu mal au cul. Je ne travaille pas du tout pour eux, mais ma compagnie, Ohm Force, fait des logiciels pour musiciens professionnels et nous sommes dans une situation comparable : distribution online vs distribution off line. Et voir les gens gueuler comme ça alors qu’ils y gagnent d’ores et déjà, c’est assez désespérant, car ce qui se passe est historique et une grosse révolution du marché du jeu vidéo.
Quand vous achetez un jeu en magasin, 30% du prix hors taxe va au magasin, 20% au distributeur, et 50% à l’éditeur, avec à priori jamais plus de 15% pour le développeur (et généralement moins, spécialement aux US où les boutiques se goinfrent). Ces chiffres sont des approximations, venant de ma niche du marché mais ils n’ont pas besoin d’être précis.
Quand le développeur vend son jeu online, il touche… 97% du prix payé. Donc s’il vend une copie online, ça lui rapporte autant que …X (X étant pas loin de 9) copies en magasin. Alors maintenant je vous demande de réfléchir un peu à quoi ressemblerait, côté client, un marché du jeux vidéo directement du producteur au consomateur, 100% on line.
- prix des jeux en chute libre. Par la loi du marché, les prix étant tirés vers le bas par la concurrence quand les marges et les risques le permette, les prix vont baisser drastiquement (ou le budget augmenter drastiquement, ou plus probablement un peu des deux). Là ou c’est extraordinaire (j’expliquerais plus bas pourquoi c’est extraordinaire), c’est que ça arrive MAINTENANT. Half-Life 2, sur steam, coute $50, soit 38 EUROS. Vous pouvez dire que vous n’avez pas la boîte, le manuel, etc. Mais la verité est que pour ce prix, vous avec ce que vous voulez, et que ce n’était pas possible jusque là et à ce prix là pour un autre jeu PC de ce genre de pointure.
A la limite si vous êtes forcés d’acheter la version en boîte, il y a matière à raler. Mais ça n’empêche pas de reconnaitre qu’il y a dores et déjà une amélioration sensible pour le client.
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indépendance vis à vis des grands groupe et de leur service marketing. Combien de jeux coulés par une bande d’abruti qui prennent des décisions sur des jeux auxquels ils n’auraient jamais joué de toutes façons ? Si les développeurs peuvent vendrent leur jeux directement aux consomateurs, ils n’auront plus à subir ce joug.Et ça, ceux qui travaillent dans le domaine savent à quel point c’est important.
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dans le même ordre d’idée, ils seront directement en phase avec les utilisateurs pour le support, ce qui est excellent à tous point de vue (j’en parle d’experience)
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amélioration du suivi des softs chez les utilisateurs. Si la norme devient de downloader le produit plutôt que d’acheter un DVD, il devient possible de forcer les mises à jours du produit. Ca peut sembler accessoire mais en fait ça peut être très utile.
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enfin, à terme, l’idéal serait d’arriver à un stade ou une connection internet indispensable pour jouer, car les seules protection viables passent par ce type de sécurité. Pour exactement les mêmes raisons que la distribution on line, le controle du piratage signifiera baisse des prix/améliorations des jeux.
Les vieux de la vieille diront que c’est une vieille rangaine et que jusque là, si les jeux se sont effectivement améliorés, les prix n’ont jamais baissé. Ce à quoi je répondrai que certes, c’est vrai, mais que cette fois ci les leviers sont bien plus considérables, et surtout qu’en l’occurence, c’est encore une fois déjà le cas.
Pour comprendre pourquoi c’est extraordinaire, je vais vous parler d’une situation que je connais : quand nous faisons un produit et devons en établir le prix, nous sommes généralement forcés de le gonfler, pour que si nous le vendons en boutique, il nous reste quelque chose passé les coups de fabrications. Pourquoi ne pas le rendre plus cher en boutique, me demanderez-vous ? Tout simplement parce que les distributeurs nous l’interdisent par contrat. Ce qui fait que nous avons choisi de garder une partie de nos softs 100% online.
Et c’est pour ça que ce qui se passe avec Valve est une révolution. Nous sommes dans une des très très rares situation ou le rapport de force est inversé, ou c’est le développeur qui peut se permettre d’imposer ses conditions (sur comment vendre SON produit, on en est là!) au distributeur. Et pour ça il faut des couilles et une vision, et je dis bravo Valve. Et ça n’a rien de simple, cf la guerre à couteau tirée au tribunal avec VU/Sierra.
Last but not least, je trouve stupéfiant que l’on déteste autant Valve. Que leur reproche-t-on au juste ?
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ils n’ont pas tenu la date annoncée. Holala, mais ils ont fait pareil avec Half Life 1! Et en fait, un peut tout le monde fait ça, non ? Alors pourquoi tant de haine cette fois ci ?A noter qu’ils ont tenus la deuxième date annoncée, ce qui est plutôt au dessus de la moyenne.
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steam rame parfois de folie. Maintenant pensons y deux minutes : avez vous une idée de la charge des serveurs ? On parle de Counter Strike, le jeu le plus joué on line et de loin (désolé Blizzard) et de download individuels en giga. En fait, je pense que c’est probablement le service online le plus gros offert par une entreprise au monde en terme de charge. Quand on voit les difficultés des serveurs Blizzard quand tous les beta testeurs de WoW doivent télécharger un modest patch, on peut se dire que c’est un peu normal que ça rame. Personne d’autre ne fait ça. Alors certes on ne va pas applaudir un résultat qui n’est pas à la hauteur, mais avant de faire du bashing, il faudrait voir à quel point on est floué en tant que client. S’il faut moins de deux jours pour valider l’install, est-ce vraiment scandaleux ? Je trouve stupéfiant que tout le monde note ce qui ne va pas sans noter qu’on peut maintenant acheter un jeu grand public EN DOWNLOAD on line.
Pour le reste, le jeu est là, il marche, et il est exceptionnel. Alors pourquoi au lieu de voir et d’acclamer en Valve une compagnie pionnère, capable de faire des jeux exceptionnels, l’accablent on de griefs somme toute secondaire en regard de ce qu’ils apportent ?
Pendant un temps j’ai pensé que c’était la faute de VU. Si la distribution on line se généralise, il vont perdre un fric fou sans espoir de reconversion, ce qui signifie que la valeur du titre va s’effondrer (et ça, ils aiment pas). Vu leur poids dans les médias, on pourrait penser qu’ils attaquent la distribution on line avec leur seule arme possible en donnant à Valve l’image d’une boîte peu fiable. Ca expliquerait les communiqués contradictoires sur les dates… Mais en fait je n’y crois pas trop. Visiblement la communication circulent mal entre eux et le marriage est juste un marriage d’argent, ce qui n’aide pas à comprendre ce qui se passe de l’exterieur, mais le reste me semble peu crédible.
Par contre, je pense qu’il y a un véritable syndrome de l’opinion professionnelle contre ceux des leurs qui réussissent contre le système. On l’a vu spéctaculairement à l’oeuvre dans le cinéma contre Georges Lucas, qui a tout simplement mis le système à ses pieds dans une inversion quasi unique des rapports de force. A ce niveau, c’est de la psychanalyse, mais je pense que toutes les personnes qui grenouillent dans ce mileu veulent inconsciement faire payer à Valve de passer outre des contraintes que eux ont accepté d’endurer parcequ’ils n’ont pas pu faire autrement.
En tous cas, chers Geeks, j’espère que ce post vous fait percevoir la situations sous un autre angle, et apprécier ce que nous avons tous à gagner à soutenir Valve…