Hmm, comment expliquer cela simplement. Proust, c’est un peu la concrétisation du rêve de Flaubert, qu’il exprimait comme suit : “Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style, comme la terre sans être soutenue se tient en l’air, un livre qui n’aurait presque pas de sujet ou du moins où le sujet serait presque invisible, si cela se peut. Les œuvres les plus belles sont celles où il y a le moins de matière.”
Disons pour faire simple que la littérature en tant qu’art a une évolution similaire à celle de la peinture, et le roman en particulier cherche à casser ses propres codes, à voir ce qu’il reste quand on enlève des éléments aussi simple que “des personnages”, “une histoire”, “un début”, “un scénario” etc. Proust n’écrit pas encore sur rien à proprement parler, puisqu’il y a encore ces références dans son oeuvre, mais elles sont effacées. Si tu veux, l’intrigue passe au deuxième plan, n’a pas l’intérêt que lui donnait encore Balzac dans la plupart de ses romans. Quand tu lis Proust, tu admires un style, des idées, une pensée très loin de son siècle, mais en fermant le livre, tu ne sais pas trop ce que tu as lu, difficile par exemple de faire une “fiche de lecture” sur un Proust. Ca n’aurait pas de sens.
Un écrivain qui ne veut pas répéter tout ce qu’on a déjà fait des milliers de fois avant lui se demandera toujours d’abord, comment réduire son art à sa plus simple expression, avant de le retravailler et de lui donner, s’il le souhaite, les éléments cités plus haut. Ce qu’on appelle le nouveau roman par exemple, c’est une tentative d’abandonner définitivement ces éléments pour n’avoir plus que de l’écriture en elle-même.
Je suis un peu malade ce soir, j’espère que j’ai été assez clair (mais de toute façon, ce sont des sujets complexes).