Quand je vois sur le site le leitmotiv “le 1er livre bilingue en langage French et SMS”, ça me laisse pantois. Qu’est-ce qui justifie l’emploi de French à la place de français (d’ailleurs français a aussi pour sens langage, il est inutile de lui accoler ce terme devant) ? J’y vois déjà un manque de respect pour notre langue qui décrédibilise fortement l’action de l’auteur… mais poursuivons.
Pour moi, faire apprendre le langage SMS c’est accompagner les élèves dans leur fainéantise et ce n’est pas les aider. Non, le français n’est pas une langue facile à apprendre, mais si c’est en essayant de le faire que les enfants comprennent qu’il faut parfois (plutôt tous les jours en fait) se mettre des coups de pied au derche si l’on veut avancer, et bien ils y gagnent déjà.
Loin de favoriser l’intégration de ceux qui ont plus de mal, elle accentuera la fameuse fracture sociale. Ceux qui utiliseront le SMS et auront autant de mal à lire le français que j’en ai à déchiffrer cette écriture phonétique n’auront pas accès au savoir qui se trouve “malheureusement” dans les livres (le projet de l’auteur est peut être de créer sa propre boite d’édition remarquez). Mieux vaut pour eux qu’ils sachent mal lire/écrire le français plutôt qu’ils sachent bien lire/écrire en SMS (sauf s’ils veulent bosser dans une société de SPAM-SMS). Les premiers me donnent envie de les aider en les corrigeants, les autres m’horripilent purement et simplement. Ce qui est tragique, c’est qu’on tente de transformer une forme d’écriture en un langage, ie de partir d’une façon systématique d’abréger certains mots pour en faire une façon balbutiante de s’exprimer.
Quant aux vrais handicapés, ils veulent être comme tout le monde, et leur donner un langage légumineux n’est pas une solution, ce n’est pas les aider non plus que de faire ça.
Le vrai problème ne vient pas de la difficulté de la langue mais de la façon dont on présente l’orthographe et la grammaire (on est pas plus cons qu’il y a 50 ans tout de même !). Tous le monde crache dessus, accuse le manque de logique de l’un et la perfidie de l’autre. Ce sont des matières que l’on nous apprend à détester et à craindre à l’école (“mon dieu, une dictée, au secours !”).
Maîtriser la langue, c’est au moins comprendre les autres, et arriver à se faire comprendre d’eux. Un enfant de 7 ans obtient plus de choses de ses parents (mettons un bout de chocolat plutôt qu’une sucette) qu’un bébé de 2 mois avec ses gazouillis primaires. Si on n’arrive pas à faire comprendre à cet enfant de 7 ans que s’il s’en tient à sa connaissance actuelle de la langue il n’arrivera pas à obtenir plus qu’un bout de chocolat lors de son entretien d’embauche, c’est là qu’est l’échec.
Si l’on est en droit de détester les mathématiques avancées, il est préjudiciable de ne pas s’intéresser à la langue car elle peut se retourner contre nous. Le langage SMS n’est tolérable que pour ceux capable de prendre de la distance par rapport à lui, mais pour ça il faut déjà connaître le français.
J’aimerais en effet conclure sur la réfléxion suivante. La maîtrise de la langue et des écrits a toujours été et est toujours la clé du pouvoir. Les “bons” vendeurs arnaquent les clients ignorants, les gourous embobinent les naïfs, les beaux-parleurs séduisent les femmes, les grands orateurs séduisent les foules, bref, il y a les manipulateurs, et les manipulés, avec les conséquences graves que cela peut avoir. Dénigrer le français sous prétexte de sa difficulté, c’est offrir aux autres un bétail sans défense qui se laissera subjuguer trop facilement, et qui ne votera pour tel candidat à la présidence que parce qu’il boit la même marque de bière et que de toutes façons “je k-pt’ pa ski di”.